Après les réunions familiales «obligées» du temps des Fêtes, pourquoi ne pas assister à celle des Weston, imposée par la mort du patriarche? Quand on se compare, on se console, veut l'adage. August: Osage County propose, en ce sens, une formidable thérapie. Rencontres... pas sur le divan, mais presque.

Les Weston sont une famille nucléaire. Dans le sens explosif du terme. Mettez-les tous ensemble, comme c'est le cas dans la pièce écrite par Tracy Letts - qui lui a valu un prix Pulitzer en 2008 et qu'il a lui-même scénarisée avant que John Wells ne la porte à l'écran -, et attention. Ça va sauter. En bonne compagnie pour les spectateurs, et les spectateurs seulement.

Meryl Streep incarne ici la matriarche, Violet, une langue de vipère qui souffre d'un cancer de la bouche (comme si elle allait périr par où elle a péché). À ses côtés, brièvement, Sam Shepard est son mari, Beverly, alcoolo, poète... et mort. Le couple a eu trois filles, Barbara (Julia Roberts), qui est elle-même mère de Jean (Abigail Breslin), Ivy (Julianne Nicholson) et Karen (Juliette Lewis). L'autre branche de la famille, moins fournie, se compose de la soeur de Violet, Mattie Fae (Margo Martindale), de son mari Charlie (Chris Cooper) et de leur fils «Little» Charles (Benedict Cumberbatch).

En ce mois d'août, ils arrivent tous à la maison d'Osage County. Et y lavent leur linge sale.

«J'ai hésité avant d'accepter le rôle de Violet, car, même si un acteur est censé vouloir aller encore et encore dans la «maison de la douleur», ce n'est en fait rien de plaisant. Il y a dans ce personnage tellement de degrés de souffrance, aussi bien physique qu'émotive et psychologique... c'était lourd à porter», a admis Meryl Streep en conférence de presse.

La comédienne explique que le gros de ses préparatifs a consisté à «cartographier le cycle de douleur et de médication» du personnage, «afin de savoir en tout temps l'attention ou l'inattention dont [elle devait] faire preuve face à ceux qui partageaient une scène avec [elle]».

Parlant de scène, celle du grand repas en famille est aujourd'hui iconique pour ceux qui ont vu la pièce. Les couteaux y volent bas, très bas. Et ils atteignent leur cible.

Une scène qui a pris quatre jours à tourner. Et dont Dermot Mulroney garde un souvenir impérissable, lui qui incarne la pièce «rapportée» de la famille - le nouveau petit ami de Karen, Steve, homme d'affaires qui manie la poudre aux yeux d'experte façon. «Cette scène, on la tournait chaque fois du début à la fin, dans une vraie maison, entourés de vrais accessoires, de vrais meubles, et avec tout le monde autour de la table pendant toute la durée. C'est comme ça qu'un film doit être fait», assure-t-il.

Mère et fille

Julia Roberts l'écoute parler, le sourire aux lèvres. «Dermot et moi sommes de grands amis depuis My Best Friend's Wedding. Quand il a obtenu le rôle dans ce film-ci, on s'est mis à crier comme des fillettes au téléphone.»

Lors de ses échanges chargés avec sa mère à l'écran, l'actrice prenait le temps, après tous les «Coupez!», de regarder sa partenaire de jeu dans les yeux pour vérifier si tout allait bien.

«Il était difficile pour moi de me sentir aussi en colère contre le monde, tout le temps, complète Meryl Streep. De plus, le tournage s'est fait pendant les élections; nous étions au coeur du Missouri et la télévision est... bizarre là-bas. À cause de tout cela, j'avais l'impression d'être à côté de mes pompes. De plus, je devais fumer tout le temps, ce qui me faisait sentir vraiment dégoûtante.»

Un rôle lourd que celui-là? «Comme tous les personnages que j'ai joués, il a grosso modo ma taille et mon poids», rigole l'actrice, qui savait pertinemment combien les spectateurs allaient la détester, une fois le film offert au public. Au moins autant qu'ils aimeraient son beau-frère, homme de coeur joué par Chris Cooper, ou son mari, Beverly, que Sam Shepard campe avec profondeur - et de façon très brève.

«C'est une scène dont je conserve un souvenir troublant, raconte Meryl Streep. Nous l'avons tournée très tôt le matin, et de voir dans le regard de Sam - que j'admire autant comme acteur que comme auteur - qu'il préférait être mort que vivre avec moi... ça a mis la table, en matière de ton, pour le reste du tournage.»

Un ton noir et grinçant. La pièce originale jongle en effet avec les pleurs et les rires. «Et il était important pour moi d'en préserver l'humour quand je l'ai compressée pour l'adapter», insiste le dramaturge Tracy Letts. Le réalisateur John Wells s'est ainsi procuré la captation d'une représentation de la pièce et a surligné tous les rires dans le scénario - avec l'intention de les conserver.

«Trop souvent, dans l'adaptation de pièces de théâtre à l'écran, l'humour se perd en cours de route, même si le résultat est un bon film. Si cela survenait pour August: Osage County, je savais qu'on était morts.» Or, si la mort est très présente dans le long métrage, ce n'est pas celle-là qu'il vise.

August: Osage County (Le temps d'un été) prend l'affiche le 10 janvier. Les frais de voyage ont été payés par Les Films Séville.

En anglais, elles seraient surnommées Jules. Pour Julia, Julianne et Juliette. Roberts, Nicholson et Lewis. Elles incarnent les soeurs Weston dans August: Osage County, huis clos à l'atmosphère oppressante qui se termine, ouf, sur une fin ouverte... dont elles ont un peu parlé en conférence de presse. Une fois le rideau tombé, où partent Barbara, Ivy et Karen?

Julia Roberts (Barbara)

«Je vais à Disneyland. Ou Disneyworld [rires]. En fait, je ne veux pas dire où s'en va Barbara selon moi: plus qu'au sujet de tout autre personnage de la pièce, les gens sont sûrs de savoir ce qui l'attend. Mais je n'ai jamais entendu deux fois la même réponse.»

Julianne Nicholson (Ivy)

«J'ignore où s'en va Ivy et je pense qu'elle ne le sait pas elle-même. Elle part, point. Sans destination. Sans plan. Elle verra plus tard.»

Juliette Lewis (Karen)

«Oh, Karen va se disputer avec Steve, ils vont se réconcilier parce qu'il va lui acheter un cadeau. Là, elle va avoir une révélation. Ou pas. Elle devrait. Elle pourrait. Devrait-elle? Vraiment?»