L'actrice qui a créé Nanny McPhee se glisse dans la peau de la mère de Mary Poppins. Rencontre avec une femme à l'humour, l'esprit et le talent fulgurants.

Emma Thompson est extraordinaire. Plus que ça. Elle est... elle est... Comment dit-on, dans l'univers de Mary Poppins, lorsqu'on ne trouve plus les mots? Oui, elle est «supercalifragilisticexpialidocious»! Elle manie à merveille l'humour, et pas qu'anglais. Elle possède un sens de la répartie délicieux. Et elle est brillante. Tellement qu'auprès d'elle, sans qu'elle le cherche, même des étoiles du calibre de Tom Hanks perdent un peu de leur éclat. La Presse en a été témoin lors de la conférence de presse tenue à Los Angeles quelques semaines avant la sortie de Saving Mr. Banks.

Réalisé par John Lee Hancock (The Blind Side), ce récit biographique raconte le passage mouvementé de la mère de Mary Poppins dans le monde du père de Mickey Mouse. Walt Disney (Tom Hanks) avait promis à ses filles de porter à l'écran leur personnage préféré. Pendant une vingtaine d'années, il a tenté d'en obtenir les droits d'adaptation. Sans succès. La romancière P.L. Travers (Emma Thompson) avait la réputation d'être difficile. Un euphémisme. Mais «oncle Walt» n'étant pas habitué à se faire dire non, en 1961, il a invité la femme de lettres à passer par ses studios de Los Angeles. Une ultime tentative. Qui devait finalement mener à une entente.

Malgré tout, ça n'a pas été un long fleuve tranquille. Saving Mr. Banks - titre qui fait référence au patriarche de la famille dans laquelle atterrit Mary Poppins - raconte pourquoi en ne se contentant pas des faits mais en creusant les liens que P.L. Travers entretenait avec son oeuvre. Une oeuvre destinée aux enfants, mais ancrée dans sa propre enfance, en Australie, où elle a grandi entre un père alcoolique (Colin Farrell) qu'elle adorait, qui avait besoin d'être «sauvé» et qui mourra quand elle avait 8 ans, et une mère dépressive (Ruth Wilson) qui tenta de se suicider. Un passé qui modela P.L. Travers, née Helen Lyndon Goff.

Dans le labyrinthe

«Quand j'ai commencé à faire des recherches à son sujet pour me préparer au rôle, j'ai eu l'impression de me retrouver dans un labyrinthe. Parfois, je débouchais sur un monstre. Parfois, sur une enfant blessée», résume Emma Thompson qui a lu sur la femme de lettres, a rencontré certains de ses proches et a eu accès aux archives de Disney dans lesquelles se retrouvaient les notes, écrites et enregistrées, que P.L. Travers a données au scénariste Don DaGradi (Bradley Whitford) et aux frères Richard et Robert Sherman (Jason Schwartzman et B.J. Novak) qui composaient les chansons du futur film.

Tout, absolument tout, faisait l'objet de négociations. Mme Travers ne voulait, par exemple, rien savoir de l'animation ni voir la couleur rouge à l'écran. Walt Disney était un diplomate, un charmeur, un visionnaire. Il a eu besoin de tout cela pour amadouer celle qu'Emma Thompson voit comme le personnage le plus difficile qu'elle ait eu à interpréter. Le plus fascinant aussi.

«C'était terrifiant parce que d'habitude, dans les films, vous avez à jouer des personnages psychologiquement et moralement cohérents. Mais P.L. Travers n'était cohérente à aucun niveau. Vous ne pouviez jamais savoir, d'un moment à l'autre, en présence de «qui» vous vous trouveriez. Elle a traité les gens, même ses amis, de façon terrible.» Et de raconter comment celle qui disait vouloir rester dans l'ombre a tout de même conservé tout, absolument tout, ce qu'elle a écrit - ce qui se retrouve aujourd'hui dans des archives universitaires. «Elle avait beau faire comme si elle s'en fichait, elle savait l'importance de sa contribution à la culture.»

Bref, pour l'actrice, l'un des défis de Saving Mr. Banks était de faire en sorte que le spectateur parvienne à aimer - peut-être même à comprendre, un peu - cette montagne de contradictions et d'impolitesse. Difficile? Oui. Mais également un très grand bonheur. Emma Thompson aime les rôles qui lui demandent des efforts, qu'elle a à prendre à bras le corps afin de les faire siens. «Au départ, alors que nous «cherchions» encore P.L. Travers, elle m'a dit de ne pas m'inquiéter, raconte le réalisateur John Lee Hancock. Qu'elle ne savait pas encore où serait le pont entre elle et le personnage, mais qu'une fois qu'il serait bâti, elle pourrait le traverser encore et encore.»

Et c'est exactement ce qui s'est produit. Emma Thompson fait, vraiment, Saving Mr. Banks.

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Saving Mr. Banks (Sauvons M. Banks) prend l'affiche le 20 décembre. Les frais de voyage ont été payés par Walt Disney Studios Pictures.