Finaliste aux Oscars dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère, Kon-Tiki relate la célèbre expédition de l'explorateur norvégien Thor Heyerdahl sur l'océan Pacifique en 1947. Pour l'amour de la science.

Il aura fallu plus de 15 ans avant que Kon-Tiki aboutisse enfin sur les écrans. L'éminent producteur britannique Jeremy Thomas (Furyo, Le dernier empereur) s'est en effet intéressé à ce projet en 1996 à la suggestion de Michael Douglas. Encore de ce monde à cette époque, l'explorateur norvégien Thor Heyerdahl avait jusque-là toujours refusé que le récit de sa plus célèbre aventure - une traversée du Pacifique sur un radeau en 1947 - fasse l'objet d'un film de fiction. L'homme s'est toutefois laissé convaincre par sa troisième femme, Jacqueline, qui a jugé l'idée alléchante.

«Différents scénarios ont alors été écrits par différents scénaristes, mais aucun ne se révélait satisfaisant, explique Petter Skavlan, auteur du texte qui a finalement été porté à l'écran. Quand on a fait appel à mes services, en 2001, j'ai emprunté une autre approche dans l'écriture, car je suis moi-même un marin. En parlant fréquemment avec Thor, je me suis aussi rendu compte qu'il traînait encore des blessures jamais cicatrisées envers sa première femme, Liv. Il aimait que le récit fasse aussi écho à cette partie de l'histoire. Comme un hommage à cette femme qu'il a aimée, mais qu'il a dû quitter pour poursuivre la mission qu'il s'était donnée.»

 

Mis de côté

Une fois un bon scénario en poche, le producteur a essayé de mettre le projet en chantier selon les modèles habituels des grandes productions internationales. Dans ce domaine, Jeremy Thomas dispose d'une grande expertise. Des cinéastes renommés ont été pressentis. Philip Noyce (Clear and Present Danger) fut un temps lié au projet, puis Jean-Jacques Annaud (Le nom de la rose).

«Les budgets requis étaient trop énormes, a expliqué Skavlan au cours d'une rencontre de presse tenue récemment à New York. Avec ce modèle, il était impossible de réaliser le film pour moins de 60 ou 70 millions de dollars. Jeremy a été contraint de mettre le projet de côté pendant plusieurs années.»

Même si tout le monde croyait Kon-Tiki mort de sa belle mort, le projet a pu renaître de ses cendres grâce au succès d'un film réalisé en tandem par deux cracks de cinéma et de vidéo. Après avoir tourné Bandidas au Mexique en 2006, un nanar produit par Luc Besson, Joachim Roenning et Espen Sandberg sont rentrés à Oslo pour porter à l'écran un drame de guerre inspiré du récit d'un héros de la Résistance. En plus de récolter sept trophées Amandas (l'équivalent norvégien des Jutra), Max Manus fut un succès phénoménal au box-office norvégien. Dans un pays qui compte à peine 5 millions d'habitants, pas moins de 1,2 million d'entre eux se sont déplacés dans les salles pour aller voir ce film! Du jamais vu.

«J'ai apporté le DVD de Max Manus à Jeremy, rappelle le scénariste Petter Skavlan. Dès lors, tout s'est remis en place. L'une des grandes qualités de Jeremy est de ne jamais abandonner un projet auquel il croit.»

Deux langues en simultané

Il fut alors décidé de faire de Kon-Tiki une production internationale (le scénario a été écrit en anglais) dans laquelle les institutions norvégiennes seraient aussi impliquées. Pour avoir accès aux fonds nationaux, il fallait toutefois que le film soit tourné dans la langue du pays. À l'instar de quelques productions canadiennes (Polytechnique, notamment), deux versions distinctes de Kon-Tiki furent tournées simultanément. L'une en norvégien; l'autre en anglais.

«Tout s'est déroulé de façon très fluide, disent Roenning et Sandberg. Les acteurs se sont adaptés facilement. Il était fascinant de voir à quel point nous pouvions encore découvrir de nouvelles choses à l'intérieur d'une même scène selon la langue dans laquelle nous tournions.»

«Thor était un homme du monde, ajoute Petter Skavlan. Il aurait tenu à ce que ce film soit aussi tourné en anglais.»

Ainsi, le périple historique de Thor Heyerdahl, qui a tenu à voguer sur le Pacifique dans les mêmes conditions que ceux qui sont venus d'Amérique du Sud pour se rendre en Polynésie des siècles auparavant, a gagné les écrans dix ans après la mort de l'explorateur. Tourné avec un budget de 16 millions dans six pays différents, Kon-Tiki comporte plus de 500 effets visuels.

«Il nous importait surtout que ces effets ne soient pas perceptibles, disent les réalisateurs. Nous voulions un enrobage visuel le plus réaliste possible. Comme s'il s'agissait d'un documentaire.»

Kon-Tiki prend l'affiche le 10 mai. Les frais de voyage ont été payés par Films Séville.

PHOTO FOURNIE PAR WEINSTEIN CO./SÉVILLE

Pål Sverre Hagen prête ses traits au protagoniste.