Il a fallu plus de trois ans pour que Nikolaj Arcel trouve l'argent nécessaire au financement de Liaison royale, qui est maintenant en nomination pour l'Oscar du meilleur film en langue étrangère. Discussion au sujet d'une page d'histoire fascinante et de sa mise à l'écran.

Nikolaj Arcel connaît l'histoire du roi Christian VII, de la reine Caroline Mathilde et du docteur Johann Friedrich Struensee depuis l'enfance. Cette histoire d'amour, qui est aussi politique et intellectuelle, est enseignée à l'école. Tous les Danois la connaissent. Mais hors des frontières du pays, personne. «Quand je cherche un projet, je cherche avant tout une bonne histoire, indique le réalisateur en entrevue téléphonique. Celle-ci en est une, et je m'étonnais que personne ne l'ait encore portée à l'écran.»

Il a compris pourquoi quand il s'est attelé à la tâche: après une année et demie de recherche et d'écriture, il a heurté un mur. Personne ne voulait financer son film. Il lui a fallu trois ans pour trouver les 8 millions nécessaires. Trois ans et The Girl With the Dragon Tattoo, dont il a signé le scénario. «Sans conteste, ce succès-là m'a aidé à trouver le financement de Liaison royale.»

Ce drame d'époque suit, alors que les Lumières brillent sur l'Europe, la relation passionnée entre la reine Caroline Mathilde, cultivée et brillante (Alicia Vikander, qui ne ressemble en rien à la souveraine ronde et blonde, mais dont il émane «cette présence de princesse» que le réalisateur recherchait), et le docteur Struensee, philosophe et fin politicien (Mads Mikkelsen, acteur caméléon que l'on a vu dans des films aussi différents que Valhalla Rising, Pusher et Casino Royale). Il deviendra le bras droit du très instable roi Christian VII, incarné par Mikkel Boe Folsgaard, qui se révèle un formidable acteur dans ce premier rôle: «Nous l'avons trouvé à l'école de théâtre, il n'avait jamais joué professionnellement avant ce film», indique le réalisateur.

Sous l'influence des deux amants, bien des réformes seront apportées, ce qui profitera au peuple. Qui ne se rendra compte des faits que trop tard. «Cette histoire de médecin de campagne qui se retrouve tout-puissant à la cour du roi est un conte de fées, mais un conte qui se termine en tragédie», remarque Nikolaj Arcel avant de noter que «certaines choses ne changent jamais: peu importe qui on est et les changements qu'on veut apporter, il y aura toujours des gens pour nous faire tomber et, souvent, ces gens sont ceux à qui nos actes auraient bénéficié. C'est encore ainsi aujourd'hui».

C'est entre autres pour cela, de même que parce qu'il n'éprouve pas de passion particulière pour les drames d'époque, qu'il a tenu à aborder Liaison royale de manière contemporaine. Oh, pas d'anachronismes dans le traitement! Le tout est fait de manière subtile et intelligente. «Bien sûr, nous avons le château, les vêtements, les accessoires. Mais nous avions tous, du directeur photo au designer de costumes en passant par les acteurs, le souci de traiter cette histoire de façon moderne. Nous n'avons pas fait comme si nous étions en 1770, mais comme si nous étions aujourd'hui et que nous retournions en 1770 pour tourner un film.»

Cela se reflète dans la modernité du langage et des personnages, et jusque dans la vibrance de la lumière. «C'était la seule façon de rendre ce projet intéressant pour moi et pour ceux qui verront le film.» Il le croit. Et il a raison.

Liaison royale prend l'affiche le 25 janvier en version originale danoise avec sous-titres français ou anglais (Royal Affair).