Le souriant Bradley Cooper dans un rôle dramatique, faisant face à une jeune Jennifer Lawrence plus mûre que jamais, sous les directives de David O. Russell, cinéaste de rêve qui a (aussi) des élans cauchemardesques. Bienvenue dans le monde bipolaire de Silver Linings Playbook.

«On était là, sur le plateau, Bradley et moi, à jouer une scène. À se parler puis à crier, à crier de plus en plus fort. Et tout à coup, David était avec nous. Il s'y mettait aussi. À crier, à hurler. Et soudain, une scène apparaissait, une scène différente de celle que nous avions planifiée, une scène dont nous n'avions même pas deviné qu'elle existait "derrière" cet échange, dans cette situation.»

Lors de l'entrevue qu'elle a accordée à La Presse pendant le Festival international du film de Toronto, Jennifer Lawrence semblait encore... non pas traumatisée, mais exaltée par l'expérience vécue à Philadelphie, lors du tournage de Silver Linings Playbook dans lequel elle est en vedette avec Bradley Cooper, devant la caméra de David O. Russell - qui signe aussi le scénario de cette adaptation du livre à succès de Matthew Quick.

On y suit Pat Solatano (Cooper), qui vient de passer huit mois dans un établissement de santé pénal et doit s'installer chez ses parents (Robert De Niro et Jacki Weaver). Car il a tout perdu. Son emploi, sa maison, sa femme. Pat Solatano est maniaco-dépressif. Et il a décidé de s'en sortir. Peut-être avec l'aide de l'excentrique Tiffany (Lawrence), voisine elle aussi... différente, disons. À moins que la présence de la jeune femme ne vienne compliquer le rétablissement de Pat. Ou pas.

Bref, l'actrice de 22 ans, révélée par Winter's Bone et qui s'est hissée au statut de vedette grâce à The Hunger Games, rêvait depuis toujours de tourner pour le réalisateur d'I Heart Huckabees - son «film préféré à vie» - et elle a fait des pieds et des mains pour passer l'audition. «Ils ne voulaient pas de moi, j'étais trop jeune pour le rôle, mais je voulais vraiment travailler avec David. Ses scénarios sont uniques, je suis intriguée et stupéfiée par son esprit.»

Elle a donc convaincu son agent de lui décrocher une audition, qu'elle a passée par Skype, en direct de l'écurie de son père, quelque part dans le Kentucky. Parce qu'elle se trouvait là. «Elle nous a éblouis, résume le réalisateur. Toutes les actrices de Los Angeles voulaient ce rôle, Jen est arrivée à la dernière seconde, personne ne pensait qu'elle pouvait incarner Tiffany. En fait, c'est à peine si on savait qui elle était. Mais c'est une créature fascinante, elle peut sembler avoir 25 ou 45 ans, elle peut être adorable et tout de suite après féroce. Et elle possède cette incroyable intensité...»

Jennifer Lawrence, avec «son habileté naturelle et sa confiance tranquille», a ainsi apprivoisé - manière de parler - David O. Russell, cinéaste qui a «une réputation». Sa dispute avec Lily Tomlin lors du tournage d'I Heart Huckabees, toujours consommable sur YouTube, en fait foi; et son différend avec l'affable George Clooney pendant le tournage de Three Kings a fait couler beaucoup d'encre à l'époque. Mais l'homme sait aussi tirer le meilleur de «ses» acteurs, comme seraient sûrement prêts à en témoigner Christian Bale et Melissa Leo qui, au départ excellents, ont tous deux remporté un Oscar grâce à leur performance dans The Fighter. Et il ne faudrait pas se surprendre si, dans quelques semaines, Bradley Cooper se retrouve mis en nomination pour son incursion dans la trajectoire tourmentée de Pat.

Quand il a dû trouver une autre tête d'affiche masculine, après le désistement de Mark Wahlberg à cause d'un conflit d'horaire, David O. Russell s'est tourné vers la vedette de The Hangover. «Je savais, pour l'avoir perçue dans Wedding Crashers, qu'il y avait cette colère en Bradley. J'ai demandé à le rencontrer, nous avons beaucoup parlé de ce qu'il a traversé dans sa vie, j'ai senti sa vulnérabilité et sa colère, et son désir d'exploiter cela en tant qu'acteur. Parce qu'il peut être autre chose que le beau gosse de The Hangover», a raconté le cinéaste à La Presse.

Bradley Cooper n'a pas hésité: «J'ai voulu devenir acteur grâce au genre de films que fait cet homme. Qu'il ait confiance en moi, qu'il veuille travailler avec moi, c'est énorme pour moi.» Le comédien a donc plongé tête baissée dans la tête tourmentée de Pat, «le gars le plus aimable qu'[il ait] jamais eu à jouer». «C'est vrai, il me brise le coeur! Ses émotions sont à fleur de peau. Il ne les maîtrise pas, il est comme un enfant, il veut aimer et être aimé.»

Des moments de joie intense suivis d'instants de noirceur profonde. De légèreté puis de violence. Des regards qui brillent avant de fuir. Tout cela, ancré dans la réalité. «Le réalisme, des gens comme des lieux, était notre raison première, à tous, de faire ce film, poursuit l'acteur. Il y a donc des scènes hilarantes qui en suivent d'autres, tragiques, parce que la vie est ainsi faite. Nous ne cherchions pas la comédie ni le drame, nous pensions vérité. La comédie et le drame surgissaient ainsi d'eux-mêmes.» Aidés, à n'en pas douter, par beaucoup de talent, devant et derrière la caméra.

Silver Linings Playbook (Le bon côté des choses) prend l'affiche le 21 novembre