En mars prochain, Bryan Cranston tournera la page sur Breaking Bad. L'acteur, qui a profité de chaque pause dans la série pour prêter son talent à des longs métrages, est maintenant prêt à autre chose. Ça commence avec Argo de Ben Affleck.

«Ben est un réalisateur admirable qui travaille de façon magistrale. Il ne peut le dire lui-même et il ne le dira jamais, mais moi, je peux le dire», soutient Bryan Cranston qui campe l'un des rôles principaux dans Argo, troisième film de Ben Affleck après les très remarqués et récompensés Gone Baby Gone et The Town.

Rencontré en tête-à-tête lors du Festival international de Toronto, gentleman comme toujours, à la fois affable et pertinent, l'acteur de Breaking Bad n'a pas hésité une seconde à embarquer dans ce gros bateau.

«J'aime travailler dans différents types de films, mais maintenant, j'aimerais faire moins et mieux, me donner à des rôles plus importants dans des projets importants, comme Argo», explique celui que l'on a récemment vu dans Rock of Ages, Total Recall, John Carter, Drive, Contagion et que l'on a entendu dans Madagascar 3. Autant de participations qu'il a menées à bien pendant les pauses de la série culte qui l'a tenu occupé ces cinq dernières années et qui arrive bientôt à sa conclusion.

D'où la possibilité pour lui de s'investir dans des projets exigeant plus de jours de tournage. Ç'a déjà été le cas pour Argo, où il incarne le directeur adjoint de la CIA, personnage clé dans ce thriller d'espionnage inspiré d'événements survenus à Téhéran, en 1979 et 1980.

Le tout commence au moment où la révolution bat son plein en Iran et où le personnel de l'ambassade des États-Unis est pris en otage - à l'exception de six hommes et femmes qui s'échappent et se réfugient au domicile de l'ambassadeur du Canada. Ils y passeront près de trois mois, et seront libérés grâce à une opération menée par la CIA avec l'aval des gouvernements américain et canadien.

Une opération risquée et osée: à l'initiative de Tony Mendez, expert en «exfiltration» qu'incarne Ben Affleck, les six diplomates se feront passer pour des citoyens canadiens venus faire du repérage en Iran en vue d'y tourner un drame de science-fiction se déroulant sur une planète désertique, intitulé Argo.

Afin de rendre leur histoire crédible, Hollywood sera mis à contribution - volontairement ou sans en avoir conscience: le projet sera promu dans les médias officiels, une maison de production sera de la partie, des experts en maquillage et en effets spéciaux aussi. Quant aux réfugiés, ils auront deux jours pour se transformer qui en réalisateur, qui en scénariste, qui en directeur photo, etc.

Investi à 100%

Bref, il s'agit du genre d'événement qui prouve la véracité du proverbe voulant que la réalité dépasse la fiction. «C'est une histoire méconnue, une histoire importante et, dès la lecture du scénario, j'ai su que je voulais en faire partie», se souvient Bryan Cranston, qui dit avoir «immédiatement compris le personnage de Jack O'Donnell». Ce dernier est en fait un amalgame de plusieurs personnes qui faisaient partie de la CIA au moment des événements.

Comme il le fait toujours, l'acteur a bâti au personnage un passé, un présent, une vie qui dépassent la fenêtre présentée dans le film. «Ça me donne de quoi m'appuyer afin que le comportement du personnage soit conséquent, peu importe les circonstances. Pour moi, Jack est quelqu'un qui réussit mieux au travail qu'à la maison: il a divorcé deux fois et n'a pas l'intention de se remarier, il pense à la retraite, boit un peu trop, n'est pas en forme. Oh! et il possède un chien et est un catholique pratiquant.»

C'est du détail. Et c'est du Cranston typique. Investi à 100% dans chaque projet. Et particulièrement heureux de celui-là. «J'avais 24 ou 25 ans quand c'est arrivé. Je m'en souviens dans les grandes lignes, mais j'étais heureux de découvrir, à travers mes recherches, la véritable histoire derrière l'histoire. De me rendre compte que la CIA était partie prenante de l'opération dès le début est absolument fascinant. Et puis, il y a cette satisfaction de plonger dans un récit où l'héroïsme est à l'échelle humaine, où les héros sont des hommes ordinaires.»

À l'image de Bryan Cranston, qui n'a pas la grosse tête malgré le succès et la notoriété. C'est avec cette humilité et cet engagement profond qu'il poursuivra sa carrière post-Breaking Bad. En cherchant ces rôles qui l'interpellent et en ne pensant plus, pour l'instant, à la télévision. «J'ai besoin de vivre le deuil de Breaking Bad avant de me "remarier". Après, le défi sera de trouver un projet différent, un personnage différent. Autrement, pourquoi le ferais-je?», demande-t-il. Nous sommes des millions à avoir une réponse (égoïste) à cette question: parce que, autrement, nous allons nous ennuyer de lui.

Argo prend l'affiche le 12 octobre.

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4 NOVEMBRE 1979

Des révolutionnaires iraniens pénètrent dans l'ambassade des États-Unis à Téhéran et prennent 52 personnes en otages. Six diplomates parviennent à s'échapper et trouvent refuge au domicile de l'ambassadeur du Canada, Ken Taylor. Il s'agit de Robert Anders, Mark J. Lijek, Cora A. Lijek, Henry L. Schatz, Joseph D. Stafford et Kathleen F. Stafford.

10 JANVIER 1980

Près de neuf semaines après le début de leur réclusion, avec l'aide de l'ambassadeur Taylor, Mark Lijek et Robert Anders font parvenir un télégramme à Washington. Le sens général du message: «Nous devons sortir d'ici.»

17 JANVIER 1980

Tony Mendez, spécialiste de «l'exfiltration» travaillant pour la CIA, propose d'aider les diplomates à s'échapper en

les faisant passer pour les membres d'une équipe de tournage canadienne venue faire du repérage en Iran. Il s'envole pour Hollywood et, en compagnie du spécialiste en maquillage John Chambers et du maître en effets spéciaux Bob Sidell, met en branle... un faux projet de film intitulé Argo.

25 JANVIER 1980

Mendez arrive à Téhéran et donne tout le nécessaire (faux passeports canadiens, papiers divers, perruques et autres accessoires) aux six diplomates afin de déjouer les autorités iraniennes. Pendant ce temps, aux États-Unis, des articles sont publiés à propos d'Argo dans The Hollywood Reporter et Variety, ce qui «ancre» le projet dans la réalité.

28 JANVIER 1980

Tony Mendez et ses six compatriotes, munis de passeports canadiens et déguisés, prennent le chemin de l'aéroport de Téhéran...