Clint Eastwood se laisse diriger par un autre cinéaste pour la première fois depuis In the Line of Fire. Dans le film de son associé Robert Lorenz, il incarne un vieux grincheux, qui se parle parfois à lui-même...

La semaine dernière, certains médias nord-américains, sélectionnés par le studio Warner Bros., ont été conviés à assister à une conférence de presse à laquelle participait l'équipe de Trouble with the Curve (Retour au jeu en version française), un film dans lequel joue un dénommé Clint Eastwood. Deux semaines après la performance pour le moins «étrange» du célèbre acteur et cinéaste américain à la convention républicaine, au cours de laquelle il a conversé avec une chaise vide en imaginant la présence du président Barack Obama, l'envie était forte de lui soutirer des commentaires à propos de ce numéro très controversé. C'était l'éléphant dans la pièce. Quelques minutes avant la fin de la conférence, un collègue torontois a finalement lancé la question. Et monsieur Eastwood ne s'est pas défilé.

«Cela n'a pas donné le résultat souhaité, car je n'ai finalement pas eu la nomination! , a-t-il répondu, pince-sans-rire. Je ne sais pas vraiment comment tout cela a été reçu, a-t-il poursuivi. Mon seul message est de dire qu'il faut cesser d'idéaliser tous les candidats qui se présentent. Il faut plutôt regarder leur travail, ce qu'ils ont fait, et juger là-dessus. J'ai seulement essayé de dire cela, dans une espèce de numéro qui a pris beaucoup plus de temps que ce que les organisateurs auraient souhaité.»

À une autre journaliste, canadienne aussi, qui lui a demandé s'il ferait le même discours aujourd'hui, et de la même façon, Clint Eastwood a livré une réponse honnête.

«Je ne sais pas si je ferais la même chose, a-t-il dit. J'en doute. Parce que j'y ai réfléchi à peu près cinq secondes avant d'entrer en scène. Tu avances, tu te retrouves devant un public de 10 000 personnes gonflées à bloc, et tu n'as pas vraiment la chance de... Disons que ton esprit s'aveugle.»

L'un ou l'autre

Dans Trouble with the Curve, la première réalisation du producteur Robert Lorenz (avec qui il est associé depuis une vingtaine d'années), Clint Eastwood incarne un éclaireur de baseball des Braves d'Atlanta, dont les problèmes liés au vieillissement commencent à poser problème. Sa fille (Amy Adams), en voie d'être promue dans un cabinet d'avocats, met malgré elle de côté ses ambitions professionnelles pour venir en aide à son père. Avec qui il existe encore de nombreux conflits.

Maintenant âgé de 82 ans, Clint Eastwood prend aujourd'hui les choses avec philosophie quand vient le moment d'évoquer le fait de vieillir.

«On sait beaucoup plus de choses en vieillissant, fait-il remarquer. Jusqu'à ce qu'on oublie! Dans un an, posez-moi la même question; j'essaierai de vous répondre la même chose!»

Depuis Gran Torino, un film dont il signait aussi la réalisation, Clint Eastwood n'est pas apparu devant une caméra de cinéma.

«Je me suis rendu compte sur le tournage de Gran Torino qu'il était maintenant ridicule pour moi de jouer et réaliser en même temps. J'ai décidé de ne plus jamais faire les deux à la fois. J'ai trouvé cela très reposant de faire seulement l'acteur et de me laisser diriger par un autre.»

Cet «autre» n'est toutefois pas n'importe qui. Robert Lorenz a d'abord agi à titre d'assistant-réalisateur sur le plateau de The Bridges of Madison County. Une association professionnelle féconde s'est ensuite développée entre les deux hommes.

«Clint a vu très vite mon intérêt pour la réalisation, confie Robert Lorenz au cours d'une interview accordée à La Presse. Nous partageons aussi les mêmes goûts, la même vision du cinéma. Au fil des ans, il m'a confié davantage de responsabilités. J'ai produit plusieurs de ses films.»

Une histoire simple

Eastwood et Lorenz tentaient depuis plusieurs années de trouver un projet auquel ils pourraient collaborer à titre d'acteur pour l'un et de réalisateur pour l'autre. Le déclic s'est fait le jour où est tombé sur leur bureau le scénario de Trouble with the Curve. Écrit par Randy Brown, dont il s'agit du tout premier scénario porté à l'écran, le script a séduit les deux associés grâce à sa simplicité.

«Quand Clint manifeste son intérêt envers quelque chose, il est certain que le projet devient aussi très attrayant pour les autres acteurs, précise le réalisateur. J'ai tout de suite pensé à Amy Adams pour le rôle de la fille. Amy est une actrice fabuleuse. Il émane d'elle une douceur, mais aussi une très grande force. Il me fallait une comédienne qui puisse tenir bon face à Clint. À mes yeux, cette histoire possède un caractère unique, même si certains trouveront le récit prévisible. Mais à cet égard, on peut dire que Batman est prévisible aussi! L'intérêt n'est pas de deviner comment l'histoire va finir, mais comment on va arriver au dénouement attendu.»

Lorenz a tenu à dépeindre le milieu des éclaireurs du baseball de la façon la plus juste possible. Il insiste quand même pour dire que Trouble with the Curve n'est pas un film de sport.

«J'ai revu pratiquement tous les films campés dans le monde du baseball, dit-il. Et je me suis rendu compte que les meilleures productions du genre, Field of Dreams par exemple, comportent finalement très peu de scènes consacrées au jeu. Les relations entre les personnages comptent bien davantage.»

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Trouble with the Curve (Retour au jeu en version française) prend l'affiche le 21 mars.

Les frais de voyage ont été payés par Warner Bros.