Pendant qu'il collectionnait les récompenses les plus prestigieuses, parmi lesquelles l'Oscar du meilleur acteur, Jean Dujardin a conçu une comédie dramatique sur l'adultère sur le mode du film à sketches italien. Pour le plaisir.

Dire que la vie de Jean Dujardin a été surréaliste au cours des derniers mois serait un euphémisme. À pareille date l'an dernier, lorsque que couraient au Festival de Toronto les rumeurs sur la saison des récompenses à venir, l'acteur prenait la possibilité d'une nomination aux Oscars avec un gros grain de sel. «Je ne peux rien dire là-dessus, avait-il alors déclaré à La Presse. Ce sont les gens qui parlent. Pas moi!»

Quelques mois plus tard, le personnage de George Valentin avait fait son chemin dans le coeur des professionnels américains d'éclatante façon. Le 26 février dernier, The Artist a fait l'histoire des Academy Awards en devenant le premier long métrage produit dans un pays non anglophone à obtenir l'Oscar du meilleur film. Jean Dujardin, lauréat de l'Oscar du meilleur acteur, est de son côté le seul acteur français à pouvoir compter la précieuse statuette dans sa collection.

«Je suis encore incrédule par rapport à tout ça, a révélé le lauréat plus tôt cette semaine au cours d'un entretien téléphonique. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, ce genre de truc rend plutôt humble. Je ne sais pas tout faire, je ne peux pas tout jouer, et j'ai encore plein de choses à apprendre. Je trouve que l'Oscar est un très bel objet, mais je ne veux pas y voir autre chose que cela. J'ai peur de l'enfermement, peur de perdre la naïveté, la notion de plaisir avec laquelle j'ai toujours exercé ce métier. Quand j'ai un problème d'ego, je regarde le trophée et cela me fait du bien. Mais la plupart du temps, je continue mon travail exactement de la même façon qu'avant.»

Pour le plaisir

Bien entendu, les Américains font de l'oeil à cet acteur dont ils ont du mal à prononcer le nom. D'autant plus qu'il fut la coqueluche de toutes les grandes émissions d'humour là-bas. Jimmy Fallon et Jay Leno, notamment, se sont pâmés devant lui. Sa participation à Saturday Night Live fut l'une des belles surprises de la saison. De fait, le tourbillon médiatique dans lequel il fut entraîné pendant la campagne des Oscars dépasse tout ce qu'on peut imaginer. Dujardin l'a traversé en déployant son charme, avec plaisir et avec le détachement de celui qui sait qu'il n'est pas en train de jouer sa vie.

«Je reste un acteur foncièrement français, dit-il. J'aime la créativité du cinéma français, les artistes qui y travaillent, et je ne souhaite pas spécialement une carrière américaine. De toute façon, on ne peut pas "désirer" faire carrière aux États-Unis: on a une carrière là-bas ou on n'en a pas. Ce n'est pas l'artiste qui choisit. La tournée médiatique américaine, je la range au rayon des expériences. Quand j'ai vu que la campagne était vraiment lancée et que The Artist était dans la course, j'ai décidé de jouer le jeu et de m'amuser avec tout ça. Pas de stress, pas de pression. J'étais dans un autre monde, sur une planète totalement différente de la mienne. Du coup, j'ai été très décontracté. Et je me suis laissé porter.»



Une vieille envie

Pendant que Jean Dujardin faisait campagne à Hollywood, Les infidèles s'apprêtait à sortir en France. L'acteur a eu l'idée de ce film à sketches en se remémorant les comédies italiennes des années 60 et 70. En compagnie de son pote Gilles Lellouche, le célèbre interprète d'OSS 117 a donc conçu ce film qui conjugue le thème de l'adultère sur différents modes. La réalisation des sketches a été confiée à cinq cinéastes. Michel Hazanavicius, Emmanuelle Bercot, Alexandre Courtès, Fred Cavayé et Éric Lartigau ont répondu à l'appel. Les deux vedettes cosignent aussi la réalisation du dernier segment du film.

«J'avais envie d'un film à sketches depuis très longtemps, explique Jean Dujardin. Chaque fois que je revoyais Les monstres, je me disais que Tognazzi et Gassman ont dû bien se marrer en le tournant. Le genre permet d'explorer plusieurs registres et de camper des personnages complètement différents les uns des autres. Et puis, l'infidélité est un thème classique, qui peut être traité aussi bien dans la comédie que dans le drame. Quand vient le moment de mettre le film en marché, ça devient toutefois un peu plus compliqué parce qu'il n'est pas facile à résumer. La bande-annonce explore davantage l'aspect plus léger. On a beau dire dans toutes les interviews que le film n'est pas seulement une comédie, la bande-annonce parle plus fort, on dirait!»

Pour l'heure, Jean Dujardin compte se faire discret pendant un moment. Outre sa participation à Wolf of Wall Street,prochain film de Martin Scorsese, rien ne figure à son programme.

«Honnêtement, je me suis "auto-soûlé" avec toute cette promo, les soirées de gala et tout ce qui vient avec, dit-il. J'ai besoin de m'écarter un peu. Avec Scorsese, je tournerai cinq jours. C'est parfait. Je laisse venir et je laisse la place aux surprises. En passant, puis-je vous dire que j'adore le cinéma québécois? J'adorerais tourner un film chez vous, si on voulait bien de moi. C.R.A.Z.Y. est probablement le film qui m'a le plus fait pleurer dans ma vie. Il y a dans ce film un rapport au père qui m'a déchiré complètement. J'apprécie aussi le sens de la demi-teinte dans le cinéma québécois, particulièrement dans les comédies.»

Les infidèles prend l'affiche le 24 août.

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Les Infidèles