À l'occasion de la sortie du film 1991 de Ricardo Trogi, La Presse a réuni Jean-Carl Boucher, alter ego du cinéaste au grand écran, ainsi que les trois principales interprètes féminines des oeuvres 1981, 1987 et 1991, Élizabeth Adam, Eléonore Lamothe et Juliette Gosselin. Une entrevue-vérité sur fond de nombreux fous rires.

Quelle est la plus grande qualité du personnage de Ricardo?

Jean-Carl Boucher (J.C.B.): « On ne parle pas souvent de ses qualités... La candeur, la naïveté.»

Élizabeth Adam (E.A.): «Dans 1981, je dirais que c'était son innocence. C'est ce qui faisait son charme.»

Juliette Gosselin (J.G.): «C'est quelque chose qui se suit dans les trois films. Pour 1991, j'allais dire justement qu'il y a quelque chose de beau dans sa naïveté, dans sa capacité à rêver. Dans chacun des films, Ricardo a un objectif précis et il se bat pour l'atteindre.»

E.A.: «Son approche est tellement pleine d'optimisme!»

Eléonore Lamothe (E.L.): «Dans 1987, il voulait rentrer dans les pantalons de Marie-Josée, mais il était respectueux. Il était assez doux dans sa façon de l'approcher. Il le fallait pour parcourir 136 kilomètres à vélo jusqu'à Trois-Rivières [scène finale de 1987] pour la voir.»

Quel est son pire défaut?

J.C.B.: «On en parle pas mal tout le long des trois films; ils mettent l'accent sur ce qui ne va pas avec lui.»

J.G.: «Il a parfois de la misère à avoir un regard autocritique. Il ne prend pas le temps de faire de l'autoréflexion. Dans chaque film survient un moment où Ricardo ne se rend pas compte qu'il a peut-être une part de responsabilité pour les choses qui lui arrivent. Mais vers la fin de chaque film, il y arrive et ses expériences lui donnent de la maturité.»

J.C.B.: «À force d'être obsédé par quelque chose, il finit par être un peu égoïste et ne s'en rend pas compte. Mais souvent, il a une réflexion par rapport à ça. Et en conclusion, il se dit qu'il aurait dû moins penser à lui.»

E.A.: «Dans les trois films, Ricardo a un besoin d'indépendance par rapport à sa famille. Du point de vue du spectateur, cela peut être crève-coeur, car on voit que c'est une famille pleine d'amour. Mais lui, il ne sait pas comment l'exprimer. Il a besoin de sortir du berceau rapidement. C'est un couteau à double tranchant, car il a besoin de l'appui de ses proches.»

E.L.: «Ricardo, il fonce, mais des fois, il défonce.»

Ricardo est-il un bon séducteur?

J.C.B.: «Des fois, il a une idée précise de ce qu'est la séduction sans en avoir la bonne version.»

E.L.: «Mais ça fait son charme aussi!»

Laquelle d'Anne, Marie-Josée ou Marie-Ève a causé à Ricardo la plus grande peine d'amour?

J.C.B.: «Si je me fie à ce que Ricardo m'a dit, comme toute cette aventure a commencé avec Anne, c'est cette rupture qui l'a le plus marqué.»

Les comédiennes: «Ah......»

J.C.B.: «Tout a commencé avec elle. Ce n'est peut-être pas sa plus grande peine d'amour, mais la plus marquante. Ça initie une série de peines d'amour.»

E.A.: «Dans les autres relations, il y avait quand même la partie satisfaisante d'un retour. Alors que cette histoire [avec Anne] était dans la tête de Ricardo.»

Est-ce que tu [Jean-Carl] définis ton personnage de la même façon dans son rapport à chacun des trois personnages féminins?

J.C.B.: «Oui. Les événements et les faits changent dans les trois films. Mais les grandes lignes du personnage reviennent toujours.»

E.A.: «C'est aussi ce qui est très attachant aux yeux du public. Je crois que la majorité des gens se sentent maladroits par rapport à l'amour.»

J.G.: «Il y a quand même une maturité qui se gagne chaque fois. Dans 1987, son but était de faire l'amour pour la première fois, alors que dans 1991, c'est de trouver la femme de sa vie.»

J.C.B.: «Dans 1981, le but de Ricardo était juste de réussir à parler à Anne! C'est quand même trois étapes assez nuancées, assez différentes.»

Vous avez travaillé de près avec Ricardo Trogi. Dans quels aspects le personnage de Ricardo se rapproche-t-il le plus du vrai? Avez-vous vu des ressemblances?

J.G.: «Ricardo est beaucoup dans l'humour. Et le personnage dans les films l'est aussi. J'aborde cet aspect dans une des scènes lorsque je demande si on est capable d'être sérieux deux secondes. C'est un point commun flagrant entre les deux.»

J.C.B.: «C'est un personnage qui n'aime pas trop aller dans ce qui est sombre. Même lorsqu'il ne file pas, on retrouve chez lui une certaine liberté.»

E.A.: «Ricardo [l'homme] est quelqu'un qui déblatère beaucoup. Quand il explique son point, il en met! Parfois, il sent qu'il ne dit pas exactement ce qu'il veut dire et il en rajoute. Ça, on le reconnaît beaucoup dans le personnage de Jean-Carl. Son Ricardo va souvent dire: "Oh! Ce n'est pas ça que je voulais dire." Et ça l'entraîne dans d'autres situations.»

E.L.: «Il est facile de travailler, d'interagir avec une personne qui véhicule cette légèreté.»

Avez-vous l'impression d'avoir participé à quelque chose de très spécial?

J.G.: «Absolument. J'avais auditionné pour jouer dans 1987 et j'avais été très déçue que ça ne fonctionne pas. Finalement, la vie est bien faite puisque je me suis retrouvée dans 1991. Tout le monde connaît ces films-là et les aime, peu importe leurs intérêts au cinéma.»

J.C.B.: «Je crois que ces films font du bien aux gens. Personne n'est fâché en sortant de la salle.»

E.L.: «Ricardo est un réalisateur très apprécié au Québec et ailleurs. De participer à son projet, de raconter son histoire est une belle chance. En plus, nous avions une équipe magnifique.»

J.G.: «Après 1987, je ne savais pas s'il y aurait un autre film, mais j'espérais un jour travailler avec Ricardo et Jean-Carl.»

J.C.B.: «Je rêvais aussi de travailler avec Juliette... et avec vous aussi [ajoute-t-il en souriant à Élizabeth et Eléonore]. Mais au troisième film, je voyais tellement Juliette dans le rôle de Marie-Ève. En plus, nous sommes amis depuis longtemps.»

As-tu [Jean-Carl] de la difficulté à dire adieu à ton personnage?

J.C.B.: «Pendant que nous tournions 1991, ce n'était pas clair que c'était la fin [Ricardo Trogi jongle avec l'idée de tourner un film sur son année à La Course destination monde]. Je ne suis pas allé dans ça [la nostalgie]. Le plaisir d'avoir fait ces films est plus fort que de penser que je l'ai incarné peut-être pour la dernière fois. Je garde tellement de souvenirs positifs.»

Jean-Carl, est-ce que des jeunes femmes dans la rue, en raison des déboires amoureux de Ricardo, t'ont proposé de devenir ta blonde?

J.C.B.: «À peu près toutes! 99,9 % des filles que je croise sur la rue me l'ont offert.»

J.G.: «Après 1987, je suis déjà sortie au Dagobert [la discothèque de Québec en vedette dans ce film] avec Jean-Carl. Quelle expérience! On aurait dit une rock star!»

J.C.B.: «Je pense que c'est le nom. Ricardo Trogi. Les gens s'en souviennent.»

J.G.: «Hier, quelqu'un lui a demandé si c'était lui, Ricardo Trogi, et lorsque Jean-Carl a répondu non, la personne a répliqué: "Mais tu lui ressembles tellement!"»

Vous est-il resté des leçons de vie de ces tournages?

J.G.: «Je me suis rendu compte que je veux toujours avoir du fun comme ça en travaillant. J'ai été assez marquée par cette expérience de tournage pour me dire que je souhaite que ce soit toujours comme ça.»

J.C.B.: «J'ai entendu souvent des équipes des trois films que ces tournages s'inscrivaient dans leurs souvenirs les meilleurs et les plus agréables.»

E.A.: «Nous étions plus jeunes, mais c'était un énorme fou rire. Ricardo nous disait d'arrêter de rire, mais il aurait fallu qu'il arrête de faire des blagues! On a juste ri de A à Z. Nous étions à un âge où encaisser une défaite dans le milieu artistique, c'est plus difficile. Mais Ricardo nous a toujours valorisés.»

J.C.B.: «Ricardo a tellement bien fait de nous traiter comme des adultes.»

E.A.: «J'avais 11 ans. Il s'est assis avec moi et m'a demandé comment je voyais le personnage d'Anne Tremblay. Jamais on se faisait demander ça sur des plateaux. C'était plutôt des choses du genre: "OK, souris." Avec lui, on a vécu une grande expérience de valorisation.»

J.C.B.: «Il met tout le monde au même niveau. Ça crée une ambiance où tout le monde se sent très bien.»

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> Élizabeth Adam, 21 ans, Anne Tremblay dans 1981

Étudie en médecine à l'Université de Sherbrooke et travaille en économie sociale pour le milieu de la santé.

> Eléonore Lamothe, 25 ans, Marie-Josée Lebel dans 1987

Vient de terminer un baccalauréat en mathématiques (mineure) et théâtre (majeure) à l'Université McGill. Toujours comédienne.

> Juliette Gosselin, 27 ans, Marie-Ève Bernard dans 1991

Comédienne. Scénariste et réalisatrice (courts métrages, séries web).

> Jean-Carl Boucher, 24 ans, Ricardo dans tous les films

Comédien. Écrit un projet de long métrage.