Les 45 années de carrière de Charles Binamé font l'objet d'une rétrospective à la Cinémathèque québécoise, à Montréal, qui donnera au public l'occasion de redécouvrir les oeuvres du cinéaste québécois, en présence de celui-ci.

Le réalisateur lui-même admet que l'exercice lui permettra de faire une chose qu'il ne se permet que rarement, soit revisiter le passé et s'attarder sur sa filmographie avec des films allant de Juste pour partir le monde à Elephant Song, en passant par Gilles Carle ou l'indomptable imaginaire, Eldorado, Séraphin: un homme et son péché et Maurice Richard.

La Presse canadienne s'est entretenue quelques instants avec le cinéaste.

La rétrospective est accompagnée d'une exposition qui s'intéresse à votre démarche créative. Qu'est-ce qui distingue vos méthodes de travail?

Je fais beaucoup de recherche. Dans les sujets que j'ai abordés, je travaille dans un imaginaire, mais qui est documenté. C'est sûr que même l'historien le plus rigoureux va interpréter l'histoire, il n'y a personne qui était là si on retourne beaucoup d'années en arrière. Mais pour l'ensemble des choses que j'ai traitées, il y avait des documents d'archives, donc je plonge dans l'histoire de l'époque, des archives, etc. Je sors beaucoup de visuels. Par exemple, pour (la série) Blanche, il y a l'abbé (Maurice) Proulx, qui a fait du film 16 mm à l'époque et qui a documenté le développement de l'Abitibi. Pour Blanche, c'était extrêmement utile d'avoir beaucoup de matériel. Tout ce matériel (...) constitue pour moi une espèce de bible d'inspiration pour commencer à dessiner des palettes de couleur, des storyboards, jusqu'à ce que j'aie mes locations et que je me mette à découper les scènes dans les lieux réels.

La présentation d'une rétrospective sur votre carrière vous amène-t-elle à réfléchir sur votre cheminement?

C'est sûr que c'est un moment que je vais découvrir. Je ne regarde jamais vers l'arrière. Je ne suis pas quelqu'un qui se complaît, ni qui se lamente, ni qui se réjouit du passé, je suis quelqu'un qui vit au présent et qui regarde vers l'avenir. C'est vraiment étrange pour moi de tout à coup voir qu'il y a une programmation qui fait un peu la somme de ce que j'ai fait. Ça va être l'occasion pour moi de voir un peu qui je suis, dans les choix que j'ai faits, dans la façon dont j'ai articulé cette carrière-là. C'est comme une pause, mais qui ne m'est pas naturelle et qui va être un peu spéciale à vivre, et j'ai décidé de la vivre pleinement parce que je vais assister à toutes les projections pour essayer de prendre un peu la mesure de ce que j'ai fait au fil du temps et de comment j'ai approché mes sujets, comment je les ai tournés.

Vous aurez donc l'occasion de revoir vos films. Comment anticipez-vous ces moments?

Je n'ai aucune idée de comment ça va m'attraper. Sans blague, c'est très particulier pour moi, surtout parce que ce n'est pas juste un film. Des fois, je revois un film parce qu'il est projeté quelque part et que je vais le présenter, mais revoir un 45 ans de travail, il y a quand même beaucoup de décisions là-dedans, il y a des mutations intérieures, il y a toutes sortes de choses qui vont pour moi sûrement être intéressantes et j'espère être étonné de ce à quoi je ne m'attends pas.

Vous avez travaillé à la télévision ces dernières années. Avez-vous un projet au cinéma?

Oui, j'ai un scénario que j'espère pouvoir tourner un de ces jours. Ça devient plus difficile de tourner des films qui ne sont pas des comédies et des films d'action, mais qui entraînent des budgets un peu plus gros, les films d'époque par exemple. Alors il faut être plus patient, il faut faire autre chose en attendant son tour, parce qu'il y a beaucoup de monde sur le marché maintenant, beaucoup de nouvelles recrues qui sont toutes meilleures les unes que les autres, donc on s'occupe et c'est pour ça que j'ai fait de la télé en attendant. Entre mes longs métrages. Mais je pourrais dire que je fais aussi des longs métrages entre mes télés, c'est-à-dire que j'ai beaucoup de plaisir à faire ces télés-là.

Plusieurs cinéastes québécois connaissent une carrière fulgurante à l'étranger ces dernières années. Comment regardez-vous ça?

Je trouve ça fantastique, comme tout le monde. Tout à coup, il y a une fenêtre qui s'est ouverte du côté américain pour faire des films. On a une expertise au Québec qui est absolument hallucinante, on forme des gens qui sont de calibre international, autant les équipes que les réalisateurs. C'est vraiment chouette de voir des gars qui vont dans ces arènes-là, jouer avec ces grosses mécaniques-là. (...) C'est fantastique de voir des gens de notre gang qui, tout à coup, ont une résonnance internationale. On est de ce calibre-là.

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La rétrospective Charles Binamé: au-delà de l'image se tiendra jusqu'au 2 octobre à la Cinémathèque québécoise.

L'exposition Charles Binamé: la méthode créative se poursuivra jusqu'au 31 octobre dans le Foyer Luce-Gilbeault de la Cinémathèque québécoise.