Ils ont vu un ou plusieurs de leurs romans prendre vie sur grand écran ou sont en voie de vivre cette expérience. Trois écrivains témoignent.

PATRICK SENÉCAL

L'un des écrivains actuels dont l'oeuvre a été le plus adaptée au cinéma.

Le cinéma a eu un « impact immense » sur la carrière de ses romans, reconnaît Patrick Senécal, particulièrement avec son premier film, Sur le seuil

« Les ventes du livre ont bondi et ceux qui ont aimé le livre se sont mis à lire mes autres romans. Il faut dire qu'un livre ne rejoindra jamais autant de gens qu'un film. D'ailleurs, moi-même, j'ai vu plus de films que j'ai lu de livres dans ma vie. Je croise souvent des gens qui me disent : "Ah, Senécal ! J'ai vu tes films !" Le cinéma est une méchante locomotive. »

Patrick Senécal, qui fréquente beaucoup les festivals et les salons du livre, et qui compte de nombreux amis dans le milieu littéraire, observe que ses collègues sont contactés plus souvent qu'avant par les maisons de production. « Ça montre un réel intérêt pour les écrivains, note-t-il. Qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'il y a une panne de scénaristes originaux, que c'est un métier en train de se perdre ? Avant, c'était plus rare. Il y a moins de frontières entre les arts, je pense. Tout le monde se fréquente. Il y a même des films qui sont adaptés au théâtre, comme Le déclin de l'empire américain. On veut mélanger les formes d'art, c'est dans l'air du temps. Comme écrivains contemporains, peut-être que notre écriture est plus visuelle, plus dans l'action aussi, puisque nous sommes influencés par la télé et le cinéma. »

Il prévient tout de même ses collègues de ne pas s'emballer trop vite, car il faut souvent plusieurs années d'écriture de scénarios avant d'arriver à la réalisation, et cela, c'est si le projet obtient du financement. « Ça leur fait mal quand ça ne se fait pas, a-t-il pu constater. On peut recevoir de l'argent trois fois pour un scénario qui ne se réalisera pas, je trouve que c'est une perte. C'est ça qui est plate, ça ne dépend pas de toi. Pour Les sept jours du talion, on n'a pas reçu l'argent, je n'ai jamais compris pourquoi, mais la productrice Nicole Robert y croyait, et on a fait le film avec un million et demi de moins, mais il a quand même eu du succès. J'ai été chanceux, mon premier projet aurait pu ne pas marcher. Je me pensais parti pour la gloire, mais après 12 versions du scénario, des scènes tournées sans budget, on comprend que c'est compliqué. On est tellement bien quand on écrit un roman ! »

SOPHIE BIENVENU

Et au pire, on se mariera, réalisé par Léa Pool

« Je n'ai pas vu le résultat final, mais j'ai une entière confiance en Léa Pool. Rien que de voir les auditions, j'étais déjà fébrile. Donc, j'ai très hâte de voir le premier montage et, évidemment, le film final. On m'avait prévenue que ce serait long et douloureux, mais je ne l'ai pas vu comme ça (oui, c'était un peu long à mes yeux, mais par rapport au temps normal d'un projet de film, ç'a été très vite). J'estime que c'est une richesse pour un auteur de voir son oeuvre reprise et adaptée par un autre artiste. Ça donne quelque chose de tout nouveau, qui n'est plus tout à fait le roman. 

« Quant au dialogue entre les écrivains et les cinéastes, je salue ça. Il y a beaucoup d'excellents réalisateurs, mais très peu, selon moi, sont également bons dans l'écriture, pas comme des auteurs professionnels, disons. Il y a beaucoup de bons livres qui méritent d'être faits en films pour que plus de gens puissent y avoir accès. »

LARRY TREMBLAY

Le Christ obèse, qui sera porté à l'écran par Podz, et L'orangeraie

« C'est un excellent sujet que ce nouveau dialogue qui s'installe entre romancier et cinéaste. Je l'avais constaté déjà entre le texte théâtral et son adaptation au cinéma (Incendies, Monsieur Lazhar, Tom à la ferme, Juste la fin du monde...). Pour ma part, mes deux projets d'adaptation (Le Christ obèse et L'orangeraie) en sont encore au tout début. Luc Déry, le producteur (Micro_scope) qui a acquis les droits de L'orangeraie, est à la recherche d'un coproducteur (sans doute en Europe). Pour Le Christ obèse, c'est un peu plus avancé : le réalisateur est trouvé (Podz) et une première version du scénario a été faite par Alexandre Goyette (Go Films de Nicole Robert).

« Je suis très heureux que le théâtre et le roman inspirent nos cinéastes. Une amie qui a travaillé à Los Angeles dans le monde du cinéma me disait récemment qu'Hollywood est désespérément à la recherche de bons scénarios (on ne retrouve que des films de superhéros ou encore des films catastrophes) et que, souvent, on les trouve dans l'imaginaire romanesque. Il y a plusieurs années, le producteur de X-Files, après avoir vu ma pièce Anatomy Lesson à Vancouver, m'a contacté pour acheter les droits en vue de l'adapter au cinéma. Malheureusement, le projet ne s'est jamais réalisé. Dans ce domaine, il y a beaucoup d'options, mais peu de réalisations. »

PHOTO DAVID BOILY, Archives LA PRESSE

« Il y a beaucoup de bons livres qui méritent d'être faits en films pour que plus de gens puissent y avoir accès », croit Sophie Bienvenu.

PHOTO OLIVIER JEAN, Archives LA PRESSE

« C'est un excellent sujet que ce nouveau dialogue qui s'installe entre romancier et cinéaste », souligne Larry Tremblay.