Le chercheur Louis Pelletier a trouvé ce qui ressemble à un petit trésor cinématographique. Deux hommes et deux femmes sont assis sur un balcon. L'homme porte un pantalon de golf style Tintin, l'autre, un chandail de tennis blanc et des chaussures deux tons typiques des années 30. Quant aux femmes, elles ont la coupe de cheveux typique de la fin des années folles.

Un autre vieux film des années 20? Pas tout à fait. Car ce home movie, retrouvé miraculeusement par un collectionneur, pourrait bien être le plus vieux film en couleurs de l'histoire du cinéma québécois toujours existant.

«Il y a eu d'autres expériences avant, précise Louis Pelletier, propriétaire de ladite bobine. Mais tous ces films-là sont perdus. Au Québec, sauf erreur, celui-là est le plus ancien qui a survécu.»

L'histoire de cette découverte, révélée hier par la CBC, commence il y a plus de deux ans, lorsque Louis Pelletier achète la bobine pour une bouchée de pain, à la suite d'une vente de succession.

Sur le coup, ce doctorant en cinéma, qui se passionne pour les anciennes technologies, ne réalise pas qu'il a mis la main sur quelque chose de rare. Mais dès la première projection, il sait que ce film de famille, qui date de 1929, n'est pas comme les autres.

Des couleurs à restituer

«Le film était en noir et blanc, relate-t-il. Mais je connais bien le domaine. Quand j'ai vu les lignes verticales, j'ai tout de suite pensé que c'était en Kodacolor, un procédé couleur que Kodak expérimentait à l'époque et qui demandait l'utilisation d'un filtre spécial.»

Avec l'aide des experts de la Cinémathèque, Louis Pelletier a trimé pour restituer les couleurs d'origine du film. Il a d'abord fallu retrouver le filtre original, puis le projecteur d'époque nécessaire. Les essais-erreurs se sont multipliés, jusqu'à ce que l'inventif technicien de la Cinémathèque, Martin Châteauvert, monte l'objectif d'époque sur un projecteur moderne.

«Ç'a été assez long de rassembler toutes les pièces, mais finalement, ça a fonctionné. J'étais assez content de mon coup.»

Le chercheur a mis le résultat sur YouTube il y a deux semaines. Depuis, plus de 5000 personnes ont «visionné» ce petit bout de film miraculeux, où l'on peut voir de jeunes gens en vacances sur le bord d'un lac. Le chercheur n'a aucune idée de leur identité. Considérant le prix des caméras couleur à l'époque, il est possible qu'il s'agisse d'Anglo-Montréalais fortunés en villégiature. D'autant qu'un drapeau britannique apparaît dans une scène. Il espère que sa diffusion sur le Net lui amènera des réponses.

Mis en marché par Kodak en 1928, Kodacolor est le procédé avec lequel Tati avait tourné son film Jour de fête. Mais la complexité de la technologie et son rendu douteux ont fait qu'elle a été abandonnée en 1935. C'est alors que Kodak a lancé Kodachrome, un procédé qui sera fabriqué jusqu'en 2008.