Le grand acteur français Denis Lavant donnera la réplique à James Hyndman dans Boris sans Béatrice, nouveau film de Denis Côté (Curling) dont le tournage a commencé mercredi dernier.

Lavant interprétera L'inconnu, un homme qui amènera le personnage de Boris (Hyndman) à faire face à lui-même, à ses acquis et à ses certitudes.

Le nouvel opus de M. Côté nous présente le parcours de Boris Malinowski, un homme prospère et à l'esprit libéral ayant atteint ses buts. Or, sa vie trop lisse est ébranlée lorsque son épouse Béatrice, ministre dans le gouvernement fédéral, se retrouve alitée, frappée d'une mystérieuse dépression. Cherchant à fuir cette situation, Boris se tournera vers d'autres femmes. Jusqu'à sa rencontre avec un inconnu au milieu de nulle part.

«Boris se retrouve confronté à un questionnement très profond, très intime, décrit Denis Lavant. La dépression de sa femme est assez embêtante du fait que leur couple est dans les hautes sphères du pouvoir. Cela leur met une sorte de pression sociale. Il essaie d'être présent, mais il ne fait pas l'essentiel. Il y aura donc ce personnage de l'inconnu - que je joue - qui va apparaître, le convoquer dans un lieu désert (une carrière) et le mettre en face de lui-même.»

Le comédien nous met en garde contre la perception d'un film à morale. «C'est davantage un questionnement sur ce qu'on fait, sur son destin, dit-il. L'inconnu va remettre Boris en face de ses responsabilités humaines, sa situation, son destin et sa position dans le monde.»

Bien connu pour son association avec le cinéaste Leos Carax (Les amants du Pont-Neuf, Mauvais sang, Holy Motors), M. Lavant ajoute que l'histoire pose la question de savoir si on peut faire ce qu'on veut de sa vie sans se préoccuper de la sensibilité des personnes autour de soi. Quant à son personnage, il le perçoit comme «un agent du destin» très humain et dépouillé de fantasmagorie.

Dans sa ligne de pensée

La lecture du scénario soumis par le cinéaste lui a plu. Une entrevue par Skype avec Denis Côté a tout de suite installé une sympathie entre les deux hommes. Lavant a accepté le rôle. «J'aurais pu voir tous les films de M. Côté avant d'accepter, mais j'aime bien y aller à l'aveugle. Je préfère les voir après avoir fait le boulot», confie-t-il.

Ce n'est pas la première fois que Denis Côté fait appel à un comédien de l'Hexagone dans une de ses oeuvres. Romane Bohringer donnait la réplique à Pierre Robitaille dans Vic + Flo ont vu un ours, long métrage sorti en 2013.

Venu à quelques reprises dans le passé au Québec pour jouer au théâtre, Denis Lavant en est à sa première participation dans un long métrage québécois. Or, ce travail avec Denis Côté correspond parfaitement à son cheminement de pensée professionnel.

«J'ai commencé avec du cinéma d'auteur, avec, je dirais, des poètes du cinéma, dit-il. Et j'ai continué dans cette lignée. J'ai très peu participé à des films commerciaux. Le cinéma m'intéresse énormément dans le sens que c'est un échange avec un réalisateur. C'est quelque chose qui mérite d'être traité comme un objet rare. C'est l'occasion de vivre des choses exceptionnelles, particulières, hors du commun.»

Produit par Metafilms (Mommy, Félix et Meira), Boris sans Béatrice mettra également en vedette Simone-Élise Girard (Béatrice), Isolda Dychauk, Dounia Sichov, Laetitia Isambert-Denis, Louise Laprade, Bruce Labruce, Roc Lafortune et Violaine Esterez.

Réparti sur 23 jours, le tournage a lieu à Lac-Brome (maison principale), Montréal, Terrebonne, Saint-Eustache, Mirabel et Cowansville.

Louis-Ferdinand Céline

Ces dernières années, la route de M. Lavant, 54 ans, a croisé à deux reprises celle de l'écrivain Louis-Ferdinand Céline, qu'il a incarné sur les planches et à l'écran.

D'abord, avec le metteur en scène Ivan Morane, Lavant a construit un monologue basé exclusivement sur des lettres de Céline concernant la littérature. Le titre: Faire danser les alligators sur la flûte de pan.

Lavant reconnaît avoir réfléchi avant de se glisser dans la peau de l'écrivain. «Céline n'est pas une personnalité forcément confortable à porter, dit-il. Mais je ne le regrette pas du tout. Je trouve intéressant de pouvoir montrer le monstre, cet homme avec tous ses travers, son génie, ses pulsions, ses logorrhées antisémites, sa misanthropie. Chez lui, il y a beaucoup d'homophobie, de misogynie, de racisme, etc. Il a tous les défauts, des pulsions nauséabondes. Aujourd'hui, la moindre de ses répliques sonnerait l'alarme! Mais il y a aussi un vrai génie littéraire, un précurseur du roman contemporain. Et la manière dont il parle de l'écriture est très belle.»

Ce travail lui a valu un Molière d'interprétation.

Plus tôt cette année, Lavant a tourné Louis-Ferdinand Céline: deux clowns dans la catastrophe, long métrage d'Emmanuel Bourdieu dans lequel il partage la vedette avec Géraldine Pailhas. L'oeuvre s'intéresse à la période de la vie de Céline où l'écrivain, ayant fui au Danemark après la Seconde Guerre mondiale, rencontre un universitaire américain juif inconditionnel de ses romans. 

Le film, croit-il, fera sa première mondiale au Festival de San Sebastian (18-26 septembre). Au Québec, les droits de distribution de ce long métrage ont été acquis par Axia Films.