Ils forment le trio central du film Corbo. Anthony Therrien (Jean Corbo), Karelle Tremblay (Julie) et Antoine L'Écuyer (François) ont l'âge de leurs personnages. Ados allumés, intelligents, intenses. Ils partagent la rage de vivre.

Étiez-vous au courant de ces événements de l'histoire du Québec?

Antoine: «Je ne savais pas qu'il y avait eu autant de cellules du FLQ entre 1963 et 1970. Ma mère et des gens de ma famille m'avaient parlé de 1970 avec l'armée à Montréal, mais c'est tout.»

Karelle: «La période, je la connaissais, mais l'histoire de Jean Corbo, je n'en avais aucune idée.»

Anthony: «C'est une histoire oubliée. Elle est passée inaperçue pour des raisons que l'on ne connaît pas. C'est une bonne idée de Mathieu de l'aborder. Il voulait comprendre ce qui s'était passé.»

C'est un film sur l'engagement; est-ce que cette notion vous parle aujourd'hui? 

Karelle: «Ça me parle beaucoup. Ces personnes-là ont été jugées longtemps comme des terroristes, mais moi, je n'ai jamais pensé ça. D'incarner un personnage qui est passé par là, ça m'allume.»

Anthony: «Corbo apporte une vision plus personnelle de cette époque. C'était des êtres humains avec des sentiments, des doutes et des remords, mais ils voulaient continuer le combat.»

Karelle: «Ils avaient comme une rage en eux.»

Antoine: «Le film ne tente pas de justifier ou de condamner leurs actes. C'est un regard très objectif. C'est le spectateur qui va en faire ce qu'il veut.»

Le Québec a beaucoup changé. Voyez-vous des choses dans ces personnages qui vous ressemblent?

Anthony: «Les personnages veulent accomplir certaines choses. De ce que je connais de Karelle et Antoine, ils ont cette volonté et ce militantisme en eux.»

Karelle: «Les gens se disaient: on fait des gestes, on en fait d'autres, ça ne change rien, donc on va passer à une autre étape. Maintenant, on a perdu cette rage-là. Elle existe, mais on n'en fait rien. Je ne dis pas qu'il faut faire comme eux, mais on a perdu quelque chose de cette intensité.» 

Il y a d'énormes différences entre les époques et les sociétés, mais que pensez-vous des jeunes de votre âge qui se radicalisent?

Anthony: «Ce qui se passait à l'époque au Québec n'était pas religieux. Il y avait une volonté pour les jeunes de faire la souveraineté. C'est différent des jeunes qui rejoignent le djihad aujourd'hui. C'est presque insultant pour la mémoire de ces jeunes qui étaient souverainistes. Ce sont deux choses différentes : se battre pour une religion ou pour un pays.»

Antoine: «Le terrorisme a toujours des buts politiques: poser des actions pour arriver à ses fins politiques. Mais ça va plus loin que faire sauter des avions.»

Est-ce que la question de la souveraineté du Québec vous intéresse?

Karelle: «Énormément, mais ça ne me tente pas d'en parler dans ce cadre-ci.»

Antoine: «Moi, je suis un citoyen du monde d'abord et avant tout. Je vois les pour et les contre de la souveraineté, mais je crois beaucoup en l'unité. Je ne crois pas que faire une autre case séparée, ce soit la solution.»

Anthony: «Je ne m'exprimerai pas là-dessus non plus.»

Avez-vous parlé de cette époque dans vos familles?

Karelle: «Mes grands-parents étaient proches de cette époque-là. Ça m'a donné un élan. Je viens d'une famille très souverainiste à Montréal. Cette histoire m'a beaucoup interpellée.»

Anthony: «C'est unique, ce fils italo-québécois de bourgeois montréalais qui décide de s'engager dans ce mouvement du peuple qu'était le FLQ.»

Karelle: «Il avait besoin de ça, de trouver son identité.»

Anthony: «De trouver son identité et qui il veut être dans la vie. Il finit par aller poser une bombe. C'est fou de penser que ce jeune n'aura pas le temps de vivre son adolescence, ses premières amours. C'est une tragédie.»

Antoine: «J'ai plus appris avec Mathieu que dans n'importe quel cours d'histoire.»

Est-ce que ça change votre vision de la politique?

Karelle: «Ça ne la change pas, ça la concrétise.»

Anthony: «Ça change notre vision de la politique par rapport au passé. On voyait ce groupe-là comme des terroristes, mais c'est plus que ça. C'est plus qu'une idéologie politique. C'est dans leurs tripes, dans leur désir d'identité. Est-ce qu'on est québécois ou canadiens?»

Est-il encore possible de changer les choses dans notre monde aujourd'hui?

Antoine: «Dans une société capitaliste, non. L'individualisme est prôné. Le changement sera totalement impossible tant que l'individu occupera tout son temps à gagner de l'argent.»

Anthony: «Les gens sont très matérialistes. C'est une perte, un manque d'humanité. On est humain pour les relations qu'on entretient entre nous, pas pour nos biens.»

Antoine: «Il faudrait s'unir et ça va venir. On ne peut pas continuer éternellement comme ça.»

Anthony: «Certainement pas.»