Au-delà de comédiens bien connus, le film Gabrielle de Louise Archambault compte dans sa distribution plusieurs acteurs non professionnels qui ont un handicap intellectuel. À commencer par Gabrielle Marion-Rivard, qui défend le rôle-titre avec aplomb. Pour signer cette direction d'acteurs hors du commun, la réalisatrice manie un outil aussi simple que redoutable: l'écoute.

Lorsque Louise Archambault s'adresse à un interlocuteur, elle lui donne la nette impression qu'il est la personne la plus importante du monde.

En tête-à-tête, la cinéaste regarde droit dans les yeux, parle franchement, sans fioritures ni hésitation. Elle livre le fond de sa pensée, ses propres sentiments, et s'enquiert de la réponse avec la même attention. On aura compris qu'elle ne fait pas partie de ceux qui mènent une conversation en relevant leurs derniers textos.

C'est sans aucun doute dans cette façon de faire que réside la clé du tournage de son film Gabrielle. Cette capacité à communiquer dans les deux sens aura bien servi la troupe d'acteurs, professionnels et non professionnels, qui forme la communauté de ce film où les personnages principaux sont en quête d'émancipation.

«Louise n'est pas une fille qui donne des ordres. Par son énergie et son attitude, elle inspire les gens», indique Robert Charlebois, qui a un petit rôle dans le film et dont les chansons Ordinaire et Lindberg constituent la pierre d'assise de la trame sonore.

«Louise est une amoureuse des gens. Elle possède une grande intelligence du coeur, dit Mélissa Désormeaux-Poulin, interprète de Sophie, soeur de Gabrielle. Lorsqu'elle observe son environnement, elle est entièrement là. Je pense qu'elle aime beaucoup l'être humain et qu'elle avait envie de parler d'amour.»

La principale intéressée trouve flatteur qu'on relève cette qualité chez elle. «Je suis intéressée par l'autre. Je suis curieuse de l'autre, répond-elle. Pour moi, c'est un peu comme l'essence de la vie. Faire un film, c'est une finalité. Mais tout ce qui est entre deux longs métrages est important. Et je veux puiser dans mes relations et mes rencontres pour le transposer à l'écran.»

Le bonheur

Gabrielle, rappelons-le, raconte l'histoire d'une jeune femme (Gabrielle Marion-Rivard) qui, atteinte du syndrome de Williams, rêve de s'émanciper et de vivre pleinement l'amour qu'elle éprouve pour Martin (Alexandre Landry). Dans cette quête, elle reçoit l'appui de sa soeur Sophie (Mélissa Désormeaux-Poulin), qui a toutefois ses propres désirs.

Si la question de l'autonomie s'impose d'elle-même comme thème fort du film, Louise Archambault défend toutefois l'idée d'avoir voulu explorer la question du bonheur.

«J'avais vraiment envie de faire un film sur le bonheur et de suivre des personnages en marge de la société, dit-elle. Ce sont des gens que j'appelle «les invisibles». Je me demandais comment des gens pour qui les choses sont plus difficiles trouvent la force d'affronter les épreuves, de vivre, de se raccrocher. En réponse, le chant choral s'est imposé rapidement.»

Dans le film, donc, le chant choral tient une grande place. D'abord, par l'intermédiaire du groupe Les Muses dans lequel chante Gabrielle Marion-Rivard, mais aussi de Jeunes musiciens du monde, un organisme qui a des antennes au Québec et en Inde, où la cinéaste a tourné quelques scènes avec Sébastien Ricard, qui joue l'ami de coeur de Sophie.

Impro

Au-delà de l'écoute, comment dirige-t-on plusieurs acteurs non professionnels réunis sur un plateau? «On a fait un peu d'impro, relate Mme Archambault. Parfois, nous tournions sans leur dire. Et on a conservé leurs vrais prénoms, de sorte que lorsque les acteurs parlaient entre eux, c'était beaucoup plus naturel.»

Certaines scènes ont été filmées à chaud, sans répétition. Comme celle où Robert Charlebois rencontre Les Muses. «Louise m'avait dit que les jeunes avaient tellement hâte de me rencontrer qu'on ne répéterait pas la scène, indique le chanteur. Je n'aurais pas pu les rencontrer et faire semblant par la suite.»

Quant à Gabrielle Marion-Rivard, elle a longuement travaillé son rôle, insiste la réalisatrice. «Le scénario était écrit avant que je ne la trouve, dit-elle. Ç'a été dur pour elle. Gabrielle a travaillé fort. Quelque part, c'était un rôle de composition.»

La jeune vedette a adoré l'expérience. «C'était un grand honneur de travailler avec Loulou, dit-elle. Elle m'a beaucoup aidée et a été très gentille.»

Produit par micro_scope et distribué par Les Films Séville, Gabrielle met aussi en vedette Benoît Gouin, Isabelle Vincent, Véronique Beaudet, Marie Gignac et Vincent-Guillaume Otis.

Gabrielle prend l'affiche le 20 septembre.

Photo Alain Roberge, La Presse

La réalisatrice Louise Archambault, entourée des producteurs Luc Déry et Kim Mc Craw.

Ils ont dit...

La Presse a rencontré les trois principaux interprètes de Gabrielle. Voici ce qu'ils nous ont dit.

Gabrielle Marion-Rivard

GABRIELLE

Atteinte du syndrome de Williams comme son personnage, Gabrielle Marion-Rivard n'en demeure pas moins elle-même et trace avec détermination la ligne séparant la Gabrielle de la vraie vie de celle à l'écran.

À preuve, lorsque la réalisatrice lui a demandé de porter un string pour le tournage d'une scène, elle n'était vraiment pas à l'aise. «Je n'avais jamais mis ça de ma vie et je ne l'ai pas porté longtemps. J'avais hâte de l'enlever», raconte-t-elle entre deux fous rires.

Quant à ses désirs d'autonomie, ils existent, mais sont différents de ceux de son personnage. «Peut-être qu'un jour, j'aurai envie d'aller vivre en appartement comme mon personnage, mais pas tout de suite, dit-elle. Je ne suis pas prête encore. Ma mère a besoin de moi pour beaucoup de choses à la maison et je suis bien chez moi.»

Alexandre Landry

MARTIN

Plus jeune, Alexandre Landry avait un ami très proche atteint du syndrome de Williams. Il a donc abordé l'histoire en bonne connaissance de cause.

Cela fut aussi très utile pour composer son personnage de Martin qui, lui aussi, est atteint de cette maladie.

«J'ai vécu de très près la réalité et le quotidien des personnes atteintes, lance le jeune comédien. En plus, nous avons eu l'opportunité de répéter durant un mois et demi. Cette proximité avec Gabrielle m'a permis de me rapprocher de mon rôle. Au-delà du handicap, il y a toute cette force intérieure des personnes que nous avions envie de développer.» Pour lui, ce long métrage parle d'autonomie de bout en bout. «C'est autant le cas pour Gabrielle que pour sa soeur Sophie et sa mère. Chacun, à sa façon, essaie de se détacher de quelque chose.»

Mélissa Désormeaux-Poulin

SOPHIE

Interprète de Sophie, soeur de Gabrielle, Mélissa

Désormeaux-Poulin était enceinte de Florence

(qui a maintenant 6 mois) au moment du tournage. Cette situation a nourri son rôle, croit-elle.

«Sophie est lumineuse et je crois que le fait d'être enceinte durant le tournage a transmis cette lumière au personnage, dit-elle. Sophie a ce côté maternel et grande soeur qui prend soin des gens autour d'elle. Avec Gabrielle, elle est comme une louve.»

Mais attention! Cela ne veut pas dire que Sophie laisse tout passer à Gabrielle. Bien au contraire!

«Sophie est droite. Oui, elle prend soin de Gabrielle, mais il arrive aussi qu'elle la chicane, indique la comédienne. Elle ne la traite pas comme une enfant. Sophie et Gabrielle ont une vraie relation de soeurs.»

Sophie a également un grand besoin d'autonomie. Entre rester auprès de sa jeune soeur et le désir de rejoindre son amoureux en Inde, elle devra choisir...

Photo Alain Roberge, La Presse