Dans la réserve de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BANQ), le fonds P347 est frappé d'une restriction complète et permanente de consultation. C'est celui du Front de libération du Québec (FLQ).

Constitué de 4,73 m de documents, le fonds en question contient les transcriptions sténographiques des procès de plusieurs membres du FLQ.

On y trouve les dossiers de Jacques et Paul Rose, Pierre Vallières, Charles Gagnon, Gabriel Hudon, Réjean Tremblay et Michel Viger. Les dossiers juridiques d'avocats ayant été mêlés aux procès ainsi que quelques dossiers personnels complètent le fonds, dont le contenu porte sur les années 1964 à 1975.

On imagine facilement que cette masse de documents pourrait contenir quelques réponses à des questions qui n'ont jamais été résolues au cours de la période active des felquistes au Québec. Mais pourquoi conserver le fonds si personne n'y aura jamais accès? Pourquoi ne pas avoir simplement détruit les documents ?

«Je l'ai fait pour l'Histoire, répond Me Renée Millette, avocate en droit pénal qui a fait don des documents en avril 1991. Toutes ces archives venaient de Me Robert Lemieux [avocat des felquistes durant les événements d'octobre 1970]. Il voulait les détruire. Une de nos collègues les avait en sa possession, et je les ai récupérés pour les remettre aux Archives.»

Me Millette s'empresse d'ajouter que l'interdiction de consultation n'est pas immuable. «Je crois que la restriction initiale est de 50 ans, dit-elle. Il y a des notes personnelles sur les gens concernés dans les boîtes. Il y a aussi des transcriptions à la main de notes de Me Lemieux. Il faut respecter les règles régissant ces renseignements personnels. La loi, comme le Barreau, l'exige.»

À BANQ, on énumère les mêmes arguments. «Il s'agit d'un fonds privé et, dans un tel cas, nous devons respecter la convention de donation, indique Claire-Hélène Lengellé, responsable des relations avec les médias. De plus, la Loi sur l'accès à l'information protège les renseignements personnels pour une période de temps déterminée.»

Les anciens premiers ministres et ministres québécois qui versent leurs archives à BANQ voient celles-ci protégées des regards pour une période de 100 ans. Dans le cas du FLQ, il n'y avait aucune date de terminaison, ce qui a attiré notre attention.

«Au Centre d'archives de Montréal, sur près de 1400 fonds d'archives privés, seule une trentaine d'entre eux est couverte par une restriction complète [comme le P347], laquelle peut toutefois arriver à échéance ou être levée par le donateur», ajoute Mme Lengellé.

Depuis qu'elle a versé son fonds à BANQ, Me Millette a reçu une seule demande de consultation. «C'était un journaliste de Toronto qui écrivait sur le meurtre de Mario Bachand [felquiste assassiné à Paris en 1971]. Il avait une hypothèse sur cette affaire et voulait la vérifier en fouillant les archives.» Me Millette a refusé la demande.