Dans un abri nucléaire, le soldat Tremblay (Martin Dubreuil), gant de baseball à la main, invite le soldat Gagnon (Patrice Robitaille) à aller «prendre l'air». La scène, filmée jeudi dans un ancien entrepôt du quartier Rosemont, dure à peine quelques secondes, mais elle résume bien la relation entre ces deux personnages au coeur du film Bunker, scénarisé et réalisé par le tandem Patrick Boivin/Olivier Roberge.

La prémisse est intrigante tant elle fait penser à ces soldats japonais isolés dans la nature et qui ne savaient pas que la Seconde Guerre mondiale étaient terminée depuis des années: Tremblay et Gagnon cohabitent pendant six mois dans ce bunker construit dans la campagne québécoise et où on peut à tout moment leur donner l'ordre d'envoyer des missiles sur l'ex-URSS un quart de siècle après la fin de la guerre froide.

«Un ancien du KGB donne des conférences aux États-Unis au cours desquelles il raconte que non seulement de tels bunkers ont existé dans l'ex-URSS, mais qu'ils sont encore en fonction aujourd'hui. Nous, ça nous a fait capoter, mais plutôt que de parler de deux Russes, on a ramené ça au Québec. Les deux personnages sont convaincus qu'il y a des missiles partout. En réalité, c'est la doomsday machine de Dr. Strangelove (de Stanley Kubrick)», explique Roberge.

Bunker n'est pourtant ni une critique ni une satire mais bien un drame humain, précise Patrice Robitaille. «C'est la toile de fond, mais l'histoire a quelque chose de très sartrien: c'est un huis clos, deux êtres humains forcés de cohabiter, et ça va faire sortir ce qu'il y a de mieux et de moins bon dans ces deux hommes», explique le comédien qui incarne Gagnon, le militaire à sa première mission au bunker. Un être taciturne, renfermé, qui a un secret que Tremblay-Dubreuil, à son sixième séjour au bunker, tentera de percer. «Tremblay aussi porte un secret, les deux ont mal agi», ajoute Robitaille. Julien Poulin, Ricardo Trogi, Alex Bisbing et Louis Tremblay, également compositeur de la musique du film, y tiennent des rôles secondaires.

Au départ, le rôle de Tremblay, qui considère son séjour dans le Nord comme des vacances, avait été confié à Antoine Bertrand. Quand il s'est désisté, on a demandé à Martin Dubreuil de changer de rôle: «J'étais bien content de jouer Gagnon, je le trouvais plus facile, et quand on m'a demandé de changer, mon nouveau personnage avait des répliques un peu bizarres, écrites pour Antoine Bertrand. On en a discuté et on l'a adapté.»

Le huis clos dans le bunker occupe environ le tiers du film. Les scènes d'extérieur, tournées à Sainte-Adèle, en Estrie et dans la vallée de la Jacques-Cartier plutôt que dans le Grand Nord, permettent aux protagonistes, et au film, de respirer hors de ce lieu étouffant. «J'ai dû apprendre à pêcher à la mouche; on joue au hockey, on se lance la balle, on pose des collets de lièvres, on fait de la raquette, autant de scènes physiques sans dialogue qui tranchent avec la conversation du tac au tac dans le bunker», raconte Dubreuil.

Budget modeste

Boivin et Roberge ont signé le long métrage Enfin l'automne qui a été vu 67 000 fois sur YouTube. Bunker sera leur premier long métrage destiné aux salles de cinéma. Un film au budget très modeste - moins de 300 000$.

Boivin s'est fait connaître par la série de sketches déjantés du collectif Phylactère Cola, ses courts métrages, des clips pour Indochine et Iggy Pop ainsi que des vidéos virales, dont celle du célèbre Dragon Baby qui a été visionnée plus de 20 millions de fois sur la Toile. Rien à voir avec Bunker, un film sérieux qui n'utilise pas la technique stop motion et ne mise pas sur les effets spéciaux.

Le tournage de Bunker s'achève la semaine prochaine et aucune date de sortie n'a encore été confirmée par le distributeur Séville. Martin Dubreuil s'apprête à jouer dans Les loups de la réalisatrice Sophie Deraspe aux côtés de Gilbert Sicotte, Louise Portal, Évelyne Brochu et Benoît Gouin, tandis que Patrice Robitaille tiendra bientôt le rôle de l'entraîneur et amant de la jeune cycliste incarnée par Laurence Leboeuf dans le film inspiré de la vie de Geneviève Jeanson qu'Alexis Durand-Brault tournera dans environ un mois.