Le cinéaste Alain Chartrand a terminé dimanche le tournage du film La maison du pêcheur, oeuvre relatant la genèse des événements d'octobre 1970. Pour le réalisateur, ce film contribue à combler ce qu'il qualifie de «trou de mémoire» de l'histoire québécoise. Opinion que d'aucuns partagent sur le plateau.

Après plusieurs semaines passées à tourner au grand air à Percé, les comédiens du film La maison du pêcheur se sont littéralement retrouvés dans un placard froid et humide pour leur dernier jour de travail.

C'était dimanche dernier, dans un appartement du boulevard Décarie. La scène nous ramenait en novembre 1970, au moment de l'arrestation de Bernard Lortie, chemin de la Côte-des-Neiges. Lortie s'est sacrifié pour que ses trois compères, les frères Paul et Jacques Rose ainsi que Francis Simard, cachés dans un réduit, puissent s'enfuir.

Cette scène en flashback demeure en marge du coeur de ce film qui se passe plutôt à Percé, à l'été 1969. Cette saison-là, Francis Simard et les frères Rose ouvrent une maison pour les jeunes où ils veulent faire de la conscientisation politique axée sur l'indépendance, raconte l'idéateur du film, Jacques Bérubé, qui planche sur le scénario avec Mario Bolduc depuis 10 ans.

«Leurs intentions étaient pacifiques, affirme M. Bérubé, ami de Paul Rose depuis 30 ans. Le Front de libération du Québec (FLQ) existait déjà en 1969, mais eux n'avaient jamais touché à une bombe.»

À Percé, l'initiative n'a pas reçu bon accueil. Les dirigeants de la maison ont été chassés. «C'est à partir de là que les Rose et Simard ont décidé que s'ils ne pouvaient prendre des moyens pacifiques, ils le feraient autrement», dit M. Bérubé.

Pour lui, comme pour Alain Chartrand (Ding et Dong, le film), cette histoire demeure méconnue de la conscience collective québécoise. «C'est un trou de mémoire total. Et pourtant, ce qui s'est passé à l'été 1969 à Percé s'inscrit dans un grand bouleversement qui touchait autant la littérature que le théâtre, etc. Les valeurs classiques prenaient le bord.»

Autour de Lortie

Interprète de Bernard Lortie, Mikhail Ahooja partage cette opinion. «J'étais au courant de la crise d'Octobe, mais pas plus, dit-il. Ce n'est pas quelque chose qui est très enseigné au Québec.»

C'est autour de son personnage que s'articule le scénario. «Lortie est originaire de Gaspé et se lie d'amitié avec les frères Rose et Simard. Mais au départ, il ne veut pas être mêlé à leurs histoires. C'est en les côtoyant qu'il prend peu à peu conscience du pourquoi de la misère des gens et pourquoi son père a perdu son bateau. Plus le film avance et plus il comprend ce que les autres essaient de lui enseigner.»

Vincent-Guillaume Otis et Benoit Langlais interprètent les frères Paul et Jacques Rose. En entrevue, ils conviennent que le film a une résonance très spéciale. «Il y a un devoir qui vient avec le personnage, dit M. Otis. Ce sont des personnes qui sont encore en vie aujourd'hui. Tu veux leur rendre justice. Cette histoire appartient à chaque Québécois et tout le monde a son idée sur les personnages. Donc, la responsabilité de les jouer est grande.»

Les deux comédiens ont rencontré les frères Rose avant le tournage. «Jacques est un esprit plus jovial, plus festif et plus proche des gens que Paul, dit Benoit Langlais. Mais ce qui est évident en les rencontrant, c'est l'amour que ces deux frères se portent l'un à l'autre.»

Charles-Alexandre Dubé, Geneviève Boivin-Roussy, Luc Picard, Kevin Parent et Raymond Bouchard font aussi partie de la distribution de ce film produit par Vic Pelletier,  qu'on verra en 2013.