«Un Jutra, ça ne vaut rien!» Aux Francs-tireurs, il y a deux semaines, Marc-André Grondin a dit de façon très franche ce que tous les acteurs savent déjà. Bien sûr, il est très flatteur d'être célébré par les gens de la profession le temps d'un gala, mais au lendemain de la fête, le lauréat d'un trophée soulignant l'excellence dans le domaine du cinéma québécois ne reçoit pas davantage de propositions d'embauche. Il ne voit pas sa «valeur» augmenter non plus. Le Québec est un petit marché. Et les acteurs qui se consacrent uniquement au septième art n'ont pas le luxe du choix, du moins pas comme ceux qui reçoivent des distinctions équivalentes ailleurs.

«Je l'ai dit de cette façon-là parce que ça correspond à la réalité, mais aussi un peu pour relancer le débat, confiait l'acteur, hier, au cours d'un entretien téléphonique. La soirée des Jutra est un bel événement, mais on pourrait en faire quelque chose de plus gratifiant à mon avis. On est dans un système de compétition, de chiffres, de recettes aux guichets. Un lauréat au gala Artis aura probablement plus de chances de décrocher un rôle au cinéma qu'un acteur qui gagne un Jutra. Il n'est pas normal que Guy A. Lepage tourne plus de films que Luc Picard. Mais c'est le système qui veut ça. On prend de moins en moins de risques.»

Grondin n'a jamais utilisé la langue de bois dans ses interviews. Ayant évolué dans ce milieu toute sa vie (ou presque), il s'est visiblement toujours méfié de la notoriété. Notamment en regard de son statut de «vedette». Et des faux rapports qu'il entraîne.

Sept ans après avoir été révélé au grand écran grâce à l'excellent film de Jean-Marc Vallée C.R.A.Z.Y., l'acteur amorce aujourd'hui, à 28 ans, un tournant dans sa carrière. Et dans sa vie. À cet égard, le changement de style fait ici figure de symbole. S'étant rasé la tête afin de pouvoir porter des perruques dans le film de Jean-Pierre Améris L'homme qui rit (présenté en clôture du festival Cinemania le 11 novembre), le jeune homme a décidé de maintenir son crâne dénudé pour un moment. Comme s'il remettait en jeu l'image de héros romantique qu'il véhicule malgré lui. Au collègue Lagacé à la télé, Marc-André Grondin expliquait qu'il s'agissait aussi un peu d'une façon de mettre au défi producteurs et cinéastes. Dans la mesure où, s'il est vrai que son talent d'acteur est significatif, on devrait en principe pouvoir l'embaucher, même dénué d'ornement capillaire.

«Je n'ai jamais vraiment cherché l'approbation des autres mais je la cherche encore moins maintenant, rappelait-il hier. J'ai comme envie de défier mon statut pour voir sur quelles bases réelles il repose. J'évolue dans un milieu phony. On est entourés de gens qui nous disent à quel point on est bons, on est fins, on est mignons. En réalité, on nous vend du rêve. Je suis plus sérieux que jamais dans mon travail. Et probablement meilleur que je ne l'ai jamais été parce que j'ai le goût de prendre des risques. Cela dit, je n'ai pas envie de me compter d'histoires. Je ne veux plus attendre pendant des mois comme je l'ai déjà fait. Aussi bien en avoir le coeur net tout de suite. Au pire, j'aurai quand même du temps pour me retourner de bord et faire autre chose si rien ne se pointe!»

Depuis le tournage de Vic et Flo ont vu un ours, que Denis Côté (Curling) a tourné récemment, Marc-André Grondin n'a aucun projet de film à son programme. Ni au Québec ni en Europe. Il espère tomber bientôt sur un scénario «qui l'allume», d'autant que son envie de jouer est très forte.

«Je dois cela à Podz. C'est lui qui m'a redonné ce goût-là.»

La déception Dumont

Qui dit Podz dit L'affaire Dumont. Dont la carrière en salle fut plombée par des controverses inattendues. L'acteur défend toujours le film avec la même conviction.

«Je l'aime beaucoup, dit-il. J'en suis très fier. Mais je suis déçu de la tournure des événements. Disons que le film n'est pas sorti dans des conditions idéales. En plus, L'affaire Dumont a fait l'objet d'une vendetta de la part de TVA et LCN. À un point où c'en est devenu absurde et ridicule un moment donné. Personne n'a compris pourquoi. C'est une tendance de plus en plus lourde, on dirait, dans certains médias. On encourage le fast-food mental et cette malbouffe rend le Québec malade. C'est bien dommage.»

C'est un acteur lauréat d'un Jutra qui le dit.