Le réalisateur Sébastien Pilote (Le vendeur) tourne actuellement son deuxième film, Le démantèlement, dans la région d'Alma. Un film d'une facture américaine dans lequel un père liquide les actifs de sa ferme pour le bien de ses filles. Visite du plateau de tournage.

S'envolant à l'unisson depuis un champ détrempé, des outardes survolent les vieilles maisons de bois du petit village d'Hébertville où un drame est en train de se jouer.

«Qui va me donner 225$ pour ces brebis?», lance l'encanteur de la ferme Gagnon et fils aux quelques dizaines d'agriculteurs attentifs à cette énième vente des biens d'une ferme sur le point de disparaître.

Nous sommes sur le plateau de tournage du film Le démantèlement de Sébastien Pilote. Si le vol des outardes est réel, la liquidation de la ferme Gagnon est à la fois fictive et représentative d'une réalité de l'agriculture québécoise.

Le film raconte l'histoire de Gaby Gagnon (Gabriel Arcand), fermier dans la soixantaine vivant seul sur sa bergerie. Dans le passé, l'homme a aidé financièrement sa fille cadette Frédérique (Sophie Desmarais) à s'installer à Montréal pour mener une carrière de comédienne. À son tour, sa fille aînée Marie (Lucie Laurier), séparée et mère de deux enfants, sollicite son aide. Gaby décide de tout vendre pour l'aider.

«Un peu comme le père Goriot, Gaby a développé le sentiment de la paternité à l'excès. Pour lui, ses filles, c'est tout», dit le réalisateur entre deux prises.

Vivant à Chicoutimi, M. Pilote connaît la réalité quotidienne des régions. Son cinéma s'en veut un reflet. «Plusieurs agriculteurs ont une relève, mais beaucoup d'autres doivent démanteler leur ferme, dit-il. C'est souvent arrivé dans ma région ces dernières années, entre autres dans les bergeries, un type de production pas très payant. Il y a une perte de tradition. On a de la misère à léguer, à donner autrement qu'en argent, notre patrimoine.»

Gabriel Arcand est d'accord. «Le gouvernement subventionne l'agriculture pour que ça devienne industriel. Autrement, tu meurs. D'où la quantité de suicides chez les cultivateurs. Le film parle de ça aussi. C'est très original, car personne ne parle de cette réalité au cinéma comme dans les médias», dit-il.

Dans le film, Gaby est en paix avec sa décision de vendre. Mais pas son ami et comptable Louis, interprété par Gilles Renaud. «Louis est contre la vente de la maison, dit-il. Dans une scène, il fait un long monologue où il dit à Gaby qu'il va se ramasser avec rien, que ses enfants ne l'aimeront pas plus, etc.»

«Face au démantèlement de la ferme, je pense que Frédérique est dans une posture de non-jugement, de résilience, dit pour sa part Sophie Desmarais de son personnage. Ça lui brise le coeur, mais elle ne peut pas le montrer à son père. Elle accepte ce que son père a décidé et elle est remplie d'empathie envers lui.»

Facture américaine

À l'image de son premier long métrage, Le vendeur, ce nouveau film de Sébastien Pilote, aura une facture très américaine. «Ce sera un film bucolique où je joue le côté americana, dit-il. On sent bien la petite ville proche du boom town. C'est très américain comme approche.»

À contre-courant, Sébastien Pilote utilise le 35 mm. «On tourne beaucoup de plans larges dans le film, observe-t-il. Il y a quelque chose de grandiose à tourner en format 2/35. Avec les paysages, on a besoin de ce côté panoramique. Ça casse le côté documentaire et ça cadre avec le style de mise en scène que je voulais faire. Le 2/35 offre plus d'amplitude, de profondeur et de complexité que le numérique.»

Le démantèlement sortira en salle en 2013 au Québec.

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Les frais de ce reportage ont été payés par l'ACPAV.