Au fond d'une érablière dans le Haut-Richelieu, Denis Côté tourne son prochain film avec trois vedettes et un gros budget. Une première pour le cinéaste de Curling.

Le réalisateur Denis Côté ne suit jamais la parade. Alors que ses collègues soulignent en choeur le manque de moyens des films québécois, Côté trouve qu'on lui donne trop d'argent! «C'est mon plus gros budget à vie, s'exclame-t-il. J'ai fait une demi-douzaine de films avec presque rien. Et là, j'ai 2,2 millions! C'est suffisant. Avec plus, je ne me sentirais pas bien. Je tourne en pleine forêt. Alors, quand je vois surgir un traiteur avec un immense plateau de fruits pour l'équipe, je trouve ça bizarre!»

La journée d'hier a dû lui sembler surréaliste... Car la maison de production avait convié les médias sur le plateau de tournage de son prochain film: une authentique cabane à sucre en tôle et préfinis. Le titre: Vic et Flo ont vu un ours. L'histoire de deux femmes qui sortent de prison et vont s'isoler dans les bois pour vivre leur transition post-peine. «Elles sont ensemble, mais je n'aborde pas vraiment l'homosexualité, nuance Côté. C'est un couple de sécurité. Des amours de fortune, comme c'est souvent le cas pour les femmes détenues.»

Comme pour tous les films de Côté, la trame n'est pas psychologique ni réaliste. «Quoique c'est pas mal plus mainstream que Bestiaire ou même Curling. Enfin, le plus mainstream que Denis puisse faire», rigole Marc-André Grondin, qui joue un agent de probation au crâne rasé (cet acteur aime les métamorphoses physiques!).

La distribution est d'ailleurs aussi «improbable» que prometteuse: Pierrette Robitaille et l'actrice française Romane Bohringer incarneront Victoria et Florence, que tout sépare - l'âge, l'origine, voire l'orientation sexuelle -, mais qui ont besoin l'une de l'autre.

Vous avez bien lu: l'actrice comique la plus aimée des Québécois joue un rôle tragique dans un film d'auteur, dirigée par un cinéaste formel. «Je regarde Pierrette et ce que je vois, ce n'est pas seulement une comique, explique Denis Côté. Je vois de la tristesse et de la profondeur dans ses yeux. Et aussi une grande actrice qui a 40 ans de métier!»

Denis Côté réfute l'étiquette de réalisateur marginal et il ne voit pas ses personnages comme des marginaux. «Mes films n'ont pas de porte d'entrée, dit-il. C'est pour ça que j'essuie toujours des revers au box-office. Moi, j'aime les films qui ressemblent à la réalité, mais qui ne peuvent pas exister dans la vraie vie. Un naturalisme qui s'éloigne du réalisme.»

L'invraisemblance d'un artiste qui s'amuse avec le langage cinématographique en mettant en scène l'amour d'une femme de 61 ans avec une jeune Française dans une cabane perdue au Canada. Il y a un peu de Gilles Carle dans ce sujet aussi enraciné qu'improbable.

Si le réalisateur reste peu connu du public québécois, il tourne énormément dans les festivals à l'étranger. Avec Vic et Flo ont vu un ours, dont la sortie est prévue au cours de l'année 2013, Denis Côté risque d'aller à la rencontre d'un plus vaste auditoire.

Ça sert aussi à ça, l'argent, au cinéma...

Photo: Marco Campanozzi, La Presse

L'actrice française Romane Bohringer sur le tournage de Vic et Flo ont vu un ours.