Beaucoup d'encre et de pixels ont servi ces derniers jours à commenter le dévoilement des finalistes de la 18e Soirée des Jutra. Les membres du jury, qui sélectionnent les meilleurs films québécois de l'année, ont-ils «snobé» les longs métrages qui ont connu du succès en salle? Chose certaine, conséquence d'une polémique ou fruit d'une longue réflexion, de nouvelles catégories seront ajoutées dès l'an prochain, a-t-on appris. Bilan d'une controverse.

La directrice générale de l'organisme Québec Cinéma, qui gère le gala des Jutra, Ségolène Roederer, est sans équivoque. «Il n'y a pas un petit groupe de personnes qui choisissent ce qui est bon et ce qui n'est pas bon avec des critères [aléatoires]», affirme-t-elle.

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Depuis la création des prix Jutra, le nombre de films produits chaque année au Québec a doublé, alors que les catégories sont restées les mêmes, dit Mme Roederer. Or, il est temps de revoir cela, concède-t-elle, ajoutant que le prochain gala verra son nombre de catégories augmenter.

«Notre organisme existe depuis cinq ans seulement. Nous avions beaucoup de choses à revoir. Mais là, on est tout à fait en réflexion sur la création de nouveaux prix, ce qui va certainement aider [dans ce genre de situation]», a-t-elle affirmé.

«Mais je veux remettre les pendules à l'heure: le jury, qui est formé d'artistes et d'artisans choisis par les associations professionnelles de l'industrie, voit tous les films avant de prendre des décisions, basées sur le mérite. C'est un processus sérieux et rigoureux, qui fait inévitablement des heureux et des malheureux», ajoute Mme Roederer.

Photo André Pichette, archives La Presse

Philippe Falardeau, qui a réalisé Guibord s’en va-t-en guerre, ne croit pas que Québec Cinéma doit revoir son processus de mises en nomination.

Des déceptions

Le réalisateur du film Paul à Québec, François Bouvier, n'a pas récolté autant de nominations qu'il l'aurait espéré. «C'est à la fois une grande déception et une leçon d'humilité», explique-t-il.

«J'ai eu un bon retour du public qui est allé voir mon film, et la critique m'a semblé assez unanime, voire même élogieuse», explique le réalisateur.

«Le public et la critique partageaient la même appréciation de Paul à Québec. Or, aux Jutra, on semble avoir d'autres critères.»

Depuis quelques jours, l'absence de films tels que Paul à Québec ou Le mirage dans les catégories prestigieuses a soulevé des critiques. D'autres ont plutôt souligné qu'une telle cérémonie n'a pas à tenir compte du succès en salle, ajoutant que le processus en place est déjà bien rigoureux.

Ricardo Trogi, qui a réalisé Le mirage, scénarisé par Louis Morissette, fait partie des gens déçus.

«D'abord, je suis assez d'accord avec l'article d'Hugo Dumas en ce qui concerne [le gala télévisé des Jutra]. Si les films en nomination sont peu connus du public, ça ne part pas super bien... Mais bon, les Jutra, ce n'est pas juste un show de télé, c'est aussi le portrait annuel de la cinématographie québécoise, quoi qu'on en pense», explique le réalisateur.

«Si le vote des responsables aboutit avec le résultat qu'on connaît, ben that's it! Est-ce que je suis déçu? Bien sûr. Comme tous les autres qui ne sont pas nommés, j'imagine. C'est normal. Mais je ne commencerai pas à me plaindre parce que je ne suis pas dans la course. J'aurais l'air de quoi? Aux Jutra, j'ai été nommé dans plusieurs catégories, et ce, pour tous mes précédents films, donc je ne le prends pas trop personnel», ajoute M. Trogi.

«Le plus important pour moi, c'est que mes films soient vus. Le reste, je ne m'en fous pas, mais c'est secondaire. Sans joke

«Aucun complot ici»

Un groupe de cinq réalisateurs, dont les films ont été nommés dans plusieurs catégories, a été interpellé par les critiques adressées au jury des Jutra. «Le processus de sélection est rigoureux. Un comité composé de 28 membres de différentes associations professionnelles, ayant vu tous les titres québécois, vote à l'aveugle et ses membres apprennent les résultats lors d'une conférence de presse. Aucun complot à démonter ici», ont-ils écrit dans une lettre ouverte envoyée à La Presse, qui est publiée dans la section Débats.

Philippe Falardeau, qui a réalisé Guibord s'en va-t-en guerre, ne croit pas lui non plus que Québec Cinéma doit revoir son processus de mises en nomination.

«Le comité des Jutra n'a pas pour mandat de calculer le nombre d'entrées en salle pour faire ses choix. Ce serait comme demander au Goncourt de trouver son lauréat à partir de la liste des best-sellers», a-t-il dit.

«J'ai vu mon travail récompensé plusieurs fois dans le passé et je suis sincèrement content pour tous les artisans en nomination.»

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Le réalisateur du film Paul à Québec, François Bouvier, n'a pas récolté autant de nominations qu'il l'aurait espéré.