La genèse, le lancement et le parcours du film Mommy de Xavier Dolan sont à l'image de l'histoire de ce long métrage: un tourbillon, un maelström, un ouragan.

À la barre de l'oeuvre, derrière son créateur et tous les artisans, on retrouve Nancy Grant. La productrice a pris tous les risques, a fait preuve d'audace et de courage, dixit Xavier Dolan.

Une femme qui a fait «honneur au titre de productrice», a dit d'elle le cinéaste, il y a 10 jours, en recevant le prix Guichet d'or.

«Ça me touche toujours que Xavier manifeste publiquement sa reconnaissance, nous disait Nancy Grant quelques minutes plus tard, en entrevue. J'entends dans ça une espèce de "je t'aime".»

Si elle a pris tous les risques, c'est parce que Nancy Grant avait une immense confiance en Dolan, ajoutera-t-elle plus tard dans un échange de courriels.

L'un et l'autre font équipe depuis Tom à la ferme, pour lequel Mme Grant était productrice exécutive. La collaboration s'est poursuivie avec le vidéoclip College Boy d'Indochine.

«Après avoir vu que nous avions une chimie formidable sur un plateau, que nous pouvions nous dépasser l'un l'autre, l'idée de faire Mommy est venue naturellement.»

Depuis le milieu des années 2000, Nancy Grant a travaillé à de nombreux projets en tant que directrice de production, productrice déléguée ou productrice. Avec Sylvain Corbeil, elle a fondé Metafilms, qui se distingue avec des films singuliers. On leur doit Laurentie de Mathieu Denis et Simon Lavoie, Nuit #1 d'Anne Émond, Faillir de Sophie Dupuis, Le torrent de Simon Lavoie, Diego Star de Frédérick Pelletier, Vic + Flo ont vu un ours de Denis Côté, Quelqu'un d'extraordinaire de Monia Chokri, Félix et Meira de Maxime Giroux.

D'elle, le distributeur Patrick Roy (des Films Séville), nous dit: «J'ai eu un coup de coeur professionnel pour Nancy Grant. C'est une partenaire forte et fidèle qui sait se battre pour ce qui compte, mais aussi respecter les rôles de chacun. Excellente au niveau créatif, elle a pris des risques financiers importants en produisant Mommy et elle mérite ce magnifique succès. Je me sens privilégié d'avoir pu vivre l'aventure Mommy avec Nancy, Xavier et toute l'équipe du film.»

Lorsqu'on lui demande quelle est la constante entre les projets qu'elle choisit de faire, Mme Grant répond: «Je m'intéresse avant tout à l'individu, au cinéaste derrière l'oeuvre, à ses particularités, à sa manière de s'approprier le langage cinématographique pour raconter une histoire.»

À notre demande, elle revient sur cinq moments forts dans la vie de Mommy.

Faire le film

«Trois à quatre mois avant le tournage, ce tour de force me semblait impossible. Nous avions environ un tiers du budget final au moment de commencer. Mais, avec Xavier, il n'était pas question de renoncer aux idéaux artistiques. Tout le monde était un peu conscient de la situation financière et de la vitesse à laquelle tout s'était fait entre la première version du scénario et le premier jour de tournage. Il y avait donc de l'électricité, une énergie survoltée, quelque chose de magique dans l'air.»

Cannes

«Cannes en soi a été un moment fantastique. Nous sommes arrivés tôt et avons pu vivre des moments de cinéphiles comme voir les films en compétition dans un contexte très privilégié, aller à des soirées, rencontrer des gens dont on admire le travail, etc. Puis, il y a eu la présentation du film et l'ovation de 12 ou 13 minutes. Des employés du festival nous ont dit qu'ils n'avaient pas vu une telle réaction depuis 10 ans. C'était émouvant et très touchant.»

Le César du meilleur film étranger

«C'est la première fois qu'un film québécois recevait le César du meilleur film étranger», dit la productrice, qui est allée à Paris le 20 février dernier pour recevoir le prix en compagnie de la comédienne Suzanne Clément. La concurrence était forte, avec des oeuvres comme Boyhood, 12 Years a Slave et The Grand Budapest Hotel.

Prix Écrans canadiens

«La reconnaissance obtenue aux prix Écrans canadiens [9 prix sur 13 sélections] est un moment à souligner. Cette reconnaissance du cinéma de Xavier au Canada anglais, l'obtention d'autant d'honneurs, nous a surpris. Car on a l'impression que les films québécois ne réussissent pas à toucher autant de gens ailleurs au Canada.»

À la rencontre du public

«Un de mes plus grands plaisirs a été d'aller à la rencontre des publics avec Xavier. À Cannes, nous avons commencé à recevoir l'amour du public, et ça se poursuit ici avec la remise du prix Guichet d'or. Ce prix du meilleur box-office signifie que les gens se sont déplacés pour aller voir le film. J'ai senti l'amour du public pour le film et aussi pour Xavier. Il était aimé avant, mais cet amour est devenu plus grand. Le regard que les gens lui portent est très aimant, fier, avec beaucoup de sympathie. Les gens sont très reconnaissants de son succès.»