Robin Aubert et son «film de zombies» sortent grands vainqueurs du Gala Québec Cinéma en remportant huit trophées Iris, dont ceux du meilleur film et de la meilleure réalisation.

Déjà fort d'une très belle récolte au Gala Artisans, où il avait obtenu cinq trophées Iris, Les affamés a ajouté hier trois prix à son palmarès en décrochant l'Iris du meilleur film québécois de l'année, de la meilleure réalisation (Robin Aubert) et de la meilleure interprète féminine dans un rôle de soutien (Brigitte Poupart). Jamais un film de genre n'avait eu droit à un tel plébiscite lors d'un gala consacré au cinéma québécois. 

Rappelons que le film d'horreur de Robin Aubert s'était déjà distingué dans les catégories des effets visuels, du maquillage, du son, de la musique originale, ainsi que dans celle du film s'étant le plus illustré à l'extérieur du Québec. Lancé au festival de Toronto l'an dernier, où il a obtenu le prix du meilleur long métrage canadien, Les affamés se pose comme une métaphore de toutes les fractures qui scindent le tissu social en assumant parfaitement son genre de «film de zombies». Acquis par Netflix, qui le propose à ses abonnés dans plusieurs pays étrangers, le film a aussi eu très bonne presse à l'international, particulièrement chez nos voisins du Sud.

«C'est une soirée particulière pour moi parce que deux de mes mentors sont dans la salle: André Forcier et Robert Morin. Vous avez été importants pour moi dans la vie et vous savez pourquoi, même si vous avez des caractères de marde! L'important, c'est de participer!», a déclaré Robin Aubert en recevant l'Iris de la meilleure réalisation.

La productrice Stéphanie Morissette a par ailleurs tenu à remercier «tous les fans de films de genre au Québec» au moment où elle a cueilli l'Iris du meilleur film.

Hochelaga, terre des âmes, qui était en lice hier seulement dans la catégorie du meilleur interprète masculin dans un second rôle (remporté par Emmanuel Schwartz), repart au final avec cinq récompenses, dont quatre ont été remises au Gala Artisans (direction photo, direction artistique, costumes et coiffure). Rappelons qu'au début de la course, la fresque historique de François Girard, sélectionnée dans 10 catégories, avait reçu le plus de citations (autant que Le problème d'infiltration de Robert Morin), mais avait été écartée des catégories de pointe (film, réalisation et scénario).

«Merci à François Girard et Roger Frappier, ainsi qu'aux artisans qui se sont tous dépassés, a déclaré Emmanuel Schwartz. Ce film historique rappelle aux Montréalais qu'ils sont des invités qui se pensent chez eux.»

Trois autres films au tableau d'honneur

Le problème d'infiltration a quant à lui été récompensé dans une seule catégorie, soit celle de la meilleure interprétation masculine dans un premier rôle, où Christian Bégin était donné largement favori.

«J'aimerais premièrement remercier quelqu'un que vous ne connaissez pas: Jean-Martin Gagnon, le premier assistant, a déclaré l'acteur. C'est lui qui a dit à Robert Morin d'appeler Curieux Bégin. Il m'a "googlé", et merci, Robert, d'avoir cru que je pouvais faire ça avec toi. Merci d'être un cinéaste libre, subversif, iconoclaste. Dans un monde où l'on veut tout aseptiser, on a besoin de gens comme toi.»

Chien de garde a été inscrit au tableau d'honneur trois fois. En plus de l'Iris du meilleur montage, l'excellent premier long métrage de Sophie Dupuis a valu à Maude Guérin le prix d'interprétation féminine dans un premier rôle, et Théodore Pellerin, qui a connu une année royale au cinéma, a été sacré - c'est l'évidence même - révélation de l'année.

«J'ai rarement été aussi heureux pour vrai que lorsque j'ai tourné Chien de garde. J'y ai fait de grandes rencontres, notamment avec Sophie [Dupuis, la réalisatrice], Maude [Guérin] et Jean-Simon [Leduc].»

De son côté, Maude Guérin, lauréate de l'Iris de la meilleure actrice, a loué la méthode de la réalisatrice, et a rappelé à quel point l'expérience de tournage sur le plateau de Chien de garde a été enthousiasmante. «On appelle ça, je pense, un moment de grâce!»

Les rois mongols, une réalisation de Luc Picard, a aussi fait belle figure, valant à Nicole Bélanger, qui a signé l'adaptation de son propre roman, le très convoité Iris du meilleur scénario, en plus de celui attribué à la meilleure distribution des rôles au Gala Artisans.

Junior majeur, prix du public

La résurrection d'Hassan, de Carlo Guillermo Proto, s'est par ailleurs illustré dans la catégorie du long métrage documentaire. Dans les catégories réservées aux courts métrages, Pre-Drink, de Marc-Antoine Lemire, s'est distingué du côté de la fiction, et Toutes les poupées ne pleurent pas, de Frédérick Tremblay, a fait de même en animation.

Le prix du public, décerné depuis l'an dernier par vote populaire entre les cinq films ayant attiré le plus grand nombre de spectateurs au cours de l'année, est finalement allé à Junior majeur, damant ainsi le pion aux deux champions du box-office, De père en flic 2 et Bon Cop Bad Cop 2.

Boost, un film anglo-québécois de Darren Curtis, et La petite fille qui aimait trop les allumettes, de Simon Lavoie, n'ont par ailleurs pu transformer en trophée aucune de leurs huit sélections respectives. Cela dit, ce palmarès est difficilement contestable.

Hommage à André Forcier

Entouré de quelques-uns des acteurs qui ont magnifié son cinéma depuis plusieurs décennies - Sophie Clément, Jean-Pierre Bergeron, Roy Dupuis, France Castel, Robin Aubert, Juliette Gosselin et Gaston Lepage -, André Forcier a livré un message très sobre en recevant son prix Hommage. Celui que l'on a en outre qualifié d'enfant terrible du cinéma québécois a rappelé la mémoire du scénariste Jacques Marcotte, qui a pratiquement cosigné les scénarios de tous ses films pendant une vingtaine d'années, soit de L'eau chaude, l'eau frette jusqu'au Vent du Wyoming

Dans sa missive, écrite au passé simple, Forcier a aussi appelé à un meilleur financement des institutions - dont les budgets stagnent depuis 15 ans - et il a du même souffle rendu hommage à Anne Émond et à Xavier Dolan. «Vive la relève! a-t-il dit. Nuit #1 et Mommy sont des chefs-d'oeuvre. Et merci à Robert Morin. Mes fils arrêtent pas de triper sur tes films, mon osti!» Il a conclu son discours en ces termes: «Au cinéma, il faut être plus intelligent que le problème. Deuxio : les idées passent par les émotions, pas le contraire.»

Le cinéaste entamera bientôt le tournage de La beauté du monde, un film qui relate la rencontre entre un apiculteur (Roy Dupuis) et le frère Marie-Victorin (Yves Jacques). Au Gala Québec Cinéma l'an prochain?