Invitée à l'émission Esprit critique, diffusée sur la chaîne ARTV, la directrice générale du Cinéma Moderne, Roxanne Sayegh, a révélé que Roma, le plus récent film d'Alfonso Cuarón, serait présenté sur grand écran dans son cinéma au mois de décembre, simultanément à sa mise en ligne par la chaîne Netflix. Il s'agira d'une première à Montréal pour un long métrage diffusé par le géant américain.

« Nous pensons d'abord au grand public, a déclaré la directrice. Toutes les grandes villes d'Amérique du Nord vont jouer Roma et je trouverais déplorable que les Montréalais n'aient pas le même choix. » Interrogée par La Presse, Roxanne Sayegh a expliqué vouloir emprunter une formule hybride avec une programmation éclectique, constituée autant de primeurs que de films qui sont déjà accessibles en ligne.  « On s'adapte à ce qu'on a envie de défendre au cinéma et ça plaît à notre clientèle, qui veut vivre l'expérience du grand écran, même si le film est déjà disponible sur les plateformes », a-t-elle ajouté. 

Roma, lauréat du Lion d'or à la Mostra de Venise, est un film tourné en noir et blanc, sans vedette, en langue espagnole. Alfonso Cuarón, lauréat de l'Oscar de la meilleure réalisation en 2014 grâce à Gravity, s'est inspiré de ses propres souvenirs d'enfance pour écrire son scénario original. Pour que ce film puisse être présenté sur grand écran, Netflix, qui en possède les droits d'exploitation, est obligé de transiger avec un distributeur. Au Québec, Équinoxe Films tient ce rôle.

En voyage à l'étranger, le directeur de l'entreprise, Michael Mosco, n'a cependant pu répondre à nos questions. De son côté, Andrew Noble, président du Regroupement des distributeurs indépendants du Québec, ne cache pas sa préoccupation, étant donné que la fenêtre d'exclusivité habituellement réservée aux salles de cinéma, d'une durée de 90 jours, n'est pas respectée par Netflix. 

« Equinoxe n'est pas un vrai distributeur, fait-il valoir, dans le sens où cette société n'est plus très active. Comme elle détient un permis d'opération au Québec, elle rend essentiellement service à des distributeurs canadiens anglais qui, en regard de la loi, sont obligés de transiger avec un distributeur d'ici pour sortir un film au Québec. Cela dit, le Cinéma Moderne n'a pas une vocation commerciale, un peu comme les festivals. Je suis content pour les cinéphiles et j'espère qu'ils seront nombreux à voir Roma sur grand écran, mais le problème n'est pas résolu. Si on affaiblit le réseau des salles commerciales, tout l'écosystème du cinéma en sera fragilisé.  

« Les géants comme Netflix et Amazon, poursuit-il, veulent dominer le contenu du divertissement visuel partout sur la planète et ils décideront bientôt de ce que l'on voit, quand on le voit et comment on le voit. Il n'y aura plus de place pour les autres là-dedans. Bien sûr, il faut s'adapter, mais tout cela doit se faire dans le respect. » 

Rappelons que Roma a fait l'objet d'une projection surprise au Cinéma Impérial dimanche dernier dans le cadre du Festival du nouveau cinéma de Montréal. Cette présentation s'est faite à guichets fermés et des spectateurs se sont même vus refuser l'entrée. 

À moins d'un changement, Roma prendra l'affiche le 14 décembre.