Un juge new-yorkais a annulé jeudi l'un des six chefs d'accusation qui pesaient sur le producteur de cinéma déchu Harvey Weinstein, une victoire pour la défense, qui est désormais parvenue à remettre en cause ou fragiliser le témoignage de deux des trois victimes présumées.

Avant la décision du magistrat, le département public avait accepté l'annulation de ce chef d'accusation pour agression sexuelle, suite à l'affaiblissement du témoignage de Lucia Evans, qui accusait Harvey Weinstein de fellation forcée en 2004.

Dans un document rendu public jeudi mais déjà connu des parties et du juge, l'accusation reconnaît qu'une amie de Lucia Evans a indiqué, lors d'une audition en août, l'avoir entendue dire qu'elle avait fait la fellation de son plein gré pour obtenir un rôle.

Une version qu'a ensuite niée Lucia Evans lors d'une nouvelle audition, selon le même document.

«C'est un développement très important», a commenté après l'audience l'avocat de l'ancien magnat d'Hollywood, Benjamin Brafman, qui a laissé entendre que le département public devrait poursuivre Mme Evans pour parjure.

La défense cherche à faire annuler toute la procédure et a déposé, début août, un recours en ce sens, produisant des éléments visant à discréditer une autre des trois femmes se disant victime d'Harvey Weinstein.

Le juge doit encore se prononcer sur ce recours, qui a mis au jour des correspondances montrant que la victime présumée a maintenu des contacts étroits et affectifs avec Harvey Weinstein après l'agression sexuelle présumée.

Il a fixé la prochaine audience au 20 décembre.

«Il ne s'agit pas de stigmatiser les victimes», a prévenu M. Brafman, ou de «suggérer qu'une femme qui témoigne ne devrait pas être crue».

«Il s'agit de la preuve qu'une personne qui a témoigné a menti devant un grand jury», a-t-il ajouté, en référence au jury qui a statué sur la validité des chefs d'accusation.

«La décision du procureur d'abandonner ma cliente, Lucia Evans, n'invalide pas la véracité de ses accusations», a commenté l'avocate de Mme Evans, Carrie Goldberg. «Cela met en lumière un système qui doit être réformé.» 

«Une cible facile» 

Immédiatement après avoir accepté l'annulation du chef d'accusation, la représentante du procureur, Joan Illuzzi-Orbon, a prévenu que l'accusation n'entendait pas reculer davantage, bien au contraire: «Nous avançons à plein régime», a-t-elle lancé à l'audience.

Il s'agit néanmoins d'un sérieux revers pour l'accusation. Les condamnations en matière de crimes sexuels sont rares au regard du nombre de personnes se disant victimes de tels faits, en particulier lorsqu'il s'agit de faits anciens, comme c'est le cas ici.

M. Weinstein a été interpellé fin mai à New York, huit mois après la publication des premières accusations de harcèlement sexuel, d'agressions sexuelles et de viol le visant.

Il a été inculpé de viol, d'acte sexuel forcé et de fellation forcée -- ce dernier chef d'accusation ayant donc été annulé jeudi.

L'homme de 66 ans a reconnu plusieurs relations avec des femmes qui se présentent comme victimes, notamment la principale victime présumée du dossier pénal, mais a toujours soutenu que ces rapports étaient consentis.

«Il est soulagé et, dans une certaine mesure, satisfait», a dit de son client Benjamin Brafman, jeudi.

Depuis que le scandale sur les abus sexuels présumés du producteur a éclaté en octobre, près d'une centaine de femmes - dont des stars comme Angelina Jolie, Gwyneth Paltrow ou Salma Hayek-- ont affirmé avoir été victimes de l'ancien géant d'Hollywood.

Jeudi, le principal avocat d'Harvey Weinstein a sous-entendu que le procureur de Manhattan, Cyrus Vance, avait inculpé l'ex-producteur sous la pression des médias et de l'opinion.

«Ce qui s'est passé, c'est qu'Harvey Weinstein avait été tant vilipendé qu'il était considéré comme une cible facile», qu'il fallait inculper, a estimé Benjamin Brafman, qui avait représenté Dominique Strauss-Kahn dans l'affaire Nafissatou Diallo.

Le procureur Vance a également été vertement critiqué par l'avocate de Lucia Evans, qui s'est interrogée sur sa possible «partialité» en faveur des «hommes de pouvoir» accusés de crime sexuels.

«Les gens se demandent pourquoi les victimes d'agression sexuelle ne s'en remettent pas à la justice. Voilà pourquoi», a-t-elle estimé.

Reconnaissant que la libération de la parole des victimes, devenue raz-de-marée depuis un an, était une bonne chose, Benjamin Brafman a néanmoins critiqué ce qu'il considère comme des excès de cette vague d'accusations.

«Quand un mouvement pousse un procureur à arrêter des gens qui n'ont pas commis de crime et les inculper pour cela, alors, c'est un mouvement dangereux», a-t-il tempêté.