Ce long métrage aux multiples facettes et qui expose quelques phénomènes de notre époque a aussi un volet sentimental étoffé. Ce qui n'est pas mal, surtout quand c'est bien fait. Et c'est le cas ici.

Mais avant tout, disons que, fidèle à lui-même, le réalisateur québécois Kim Nguyen suggère une histoire singulière, une approche inventive, des idées qui nous surprennent et nous font sourire. Au bout de 90 minutes, on a le sentiment d'avoir vécu un bon moment, sans temps mort.

Eye on Juliet est le titre très juste de ce drame sentimental campé à la fois à Detroit, aux États-Unis, et dans un endroit non défini en Afrique du Nord. Deux environnements qui, en dépit de leurs dissemblances, se font écho dans leur austérité.

Gordon (Joe Cole) est un jeune travailleur américain sans beaucoup d'envergure. Il bosse dans une entreprise de Detroit qui fait la surveillance par l'entremise de robots-araignées d'un pipeline installé dans un désert africain.

Efficaces, ces petits robots peuvent tout faire, se mouvoir, voir, parler, traduire et même tirer des coups de semonce contre d'éventuels contrebandiers de l'or noir qui, comme on peut s'en douter, se manifesteront à un moment ou un autre.

Mais ce qui intéresse Gordon, c'est le sort d'Ayusha (Lina El Arabi), jeune femme ancrée dans son époque, indépendante, amoureuse de Karim (Faycal Zeglat), mais promise à un homme deux fois plus âgé qu'elle à la suite d'une entente entre deux familles campées dans leurs traditions.

À distance, Gordon, qui a surnommé la jeune femme Juliet, est témoin de ces aventures et décide effrontément d'intervenir de façon tout à fait anonyme. C'est de notre époque!

On n'en dira pas plus, sinon que les deux principales vedettes du film, jouant avec la retenue nécessaire, sont très convaincantes. Gordon est d'autant plus intéressant qu'il n'a aucune espèce de personnalité. Dans son coin de désert, le personnage d'Ayusha réussit à nous émouvoir dans sa quête d'identité.

À travers cette histoire, on décèlera aisément d'autres thèmes tels que la course à la gestion du pétrole, l'établissement des contacts humains à distance, l'omniprésence des caméras de surveillance dans nos vies. Si ces éléments attirent notre attention, ils ne s'ancrent pas dans l'esprit comme l'histoire vaguement sentimentale qui s'esquisse entre les deux héros.

Enfin, on aime ces quelques moments plus légers qui traversent le film. Ainsi, pour parler des États-Unis, le réalisateur fait dire au superviseur (Ralph Prosper) de Gordon que ce dernier doit trouver plus de menaces autour du pipeline s'il veut conserver son job. «Sans ennemi, ce pays est au chômage», balance-t-il. Bien vu!

Cette histoire est parfois tirée par les cheveux, notamment quand les araignées-robots se promènent dans le village sans attirer l'attention (tout le monde dort?). Et la finale est curieusement bidouillée.

Mais pourquoi bouder son plaisir? Dans sa façon, un peu oblique, de suggérer que les rapprochements entre les peuples seraient peut-être une bonne idée, Eye on Juliet fait mouche. Il nous rappelle Une bouteille dans la mer de Gaza, très beau film de Thierry Binisti sorti en 2012.

Eye on Juliet (V.F.: Regard sur Juliette). Drame de Kim Nguyen. Avec Joe Cole, Lina El Arabi, Faycal Zeglat. 1h36.

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image fournie par la production

Eye on Juliet