Après avoir obtenu le Grand Prix du Festival de Cannes, ainsi que trois trophées César en France (parmi lesquels celui de la meilleure réalisation), il était presque dans l'ordre des choses que le film de Xavier Dolan soit aussi plébiscité au Gala Québec Cinéma. Juste la fin du monde a remporté cinq trophées Iris en tout, dont ceux du meilleur film et de la meilleure réalisation, mais plusieurs autres productions ont toutefois pu s'inscrire au tableau d'honneur.

Son adaptation de la pièce de Jean-Luc Lagarce, interprétée par cinq pointures françaises, ne lui a peut-être pas valu un balayage à la Mommy, mais Xavier Dolan a néanmoins pu pavoiser. Juste la fin du monde a en effet récolté les deux trophées Iris les plus prestigieux de la soirée, meilleur film et meilleure réalisation, qui s'ajoutent ainsi aux trois distinctions déjà obtenues lors du Gala des artisans, jeudi. Rappelons qu'à cette occasion, Juste la fin du monde avait déjà enlevé l'Iris de la meilleure direction photo (André Turpin), de la meilleure distribution de rôles (Xavier Dolan lui-même), ainsi que celui attribué au film s'étant le plus illustré à l'extérieur du Québec.

«Le grand bonheur de cette industrie est de pouvoir créer des liens forts et indestructibles, a déclaré le cinéaste. Qui confirment à chaque fois le talent de ceux avec qui on travaille, mais aussi la sincérité de leur amitié.» Après avoir souligné la diversité des oeuvres sélectionnées, «qui parlent du Québec actuel», Xavier Dolan a fait une profession de foi envers le cinéma en salle. «J'ai les services Apple TV et Netflix chez moi, mais la plus grande sensation qu'on puisse s'offrir reste encore de voir un film en société, dans le noir, avec des inconnus!»

Une course très ouverte

Il aura cependant fallu attendre jusqu'à la toute fin de la cérémonie pour assister au sacre de Juste la fin du monde. Jusqu'à l'annonce des deux récompenses finales, le film de Xavier Dolan a été blanchi pendant toute la soirée, laissant même croire à un possible coup de théâtre. À l'arrivée, Nelly s'est révélé être au deuxième rang des films les plus primés. En plus des trois trophées déjà obtenus jeudi (coiffure, maquillage, musique originale), le film d'Anne Émond, qui évoque quatre facettes de la personnalité de l'auteure Nelly Arcan, a valu à Mylène Mackay l'Iris du premier rôle féminin.

«Merci à Anne Émond d'écrire d'aussi beaux et grands rôles féminins. Merci Nelly, insaisissable Nelly, d'avoir mis des mots sur le mal-être de tant de femmes.», a déclaré Mylène Mackay.

La comédie dramatique Les mauvaises herbes a aussi fait très belle figure en se distinguant dans la très prestigieuse catégorie du meilleur scénario (Louis Bélanger et Alexis Martin).

«Merci à ceux qui nous ont laissés écrire et qui ont eu la patience de laisser le scénario gagner en maturité», a déclaré Louis Bélanger. «Donner, recevoir et rendre. S'il y a un peu de ce message qui a percolé, nous en sommes ravis», a ajouté Alexis Martin. De plus, Luc Picard a été sacré meilleur acteur dans un second rôle masculin grâce à sa performance dans le rôle d'un usurier qui n'entend pas à rire dans ce même film. Le comédien, lauréat du Jutra du meilleur acteur en 2002 (15 février 1839) et du Jutra du meilleur acteur de soutien en 2003 (Le collectionneur), ajoute ainsi un Iris à sa collection. Ce dernier a tenu à remercier le contribuable québécois, qui «paie nos salaires et qui finance nos films».

À chacun son prix

L'Iris de la meilleure interprétation dans un premier rôle masculin est allé à Gabriel Arcand, aussi gagnant de deux trophées Jutra (Post mortem en 2000 et Congorama en 2007). Il doit cette distinction à sa composition dans Le fils de Jean, un film de Philippe Lioret coproduit avec la France, qui lui a aussi valu une citation à la cérémonie des César du cinéma français. L'acteur a reçu son prix avec beaucoup d'humilité, livrant un discours sobre et bien senti.

Céline Bonnier, dont la performance dans La passion d'Augustine lui a valu le prix de la meilleure actrice l'an dernier, répète l'exploit dans la catégorie du second rôle féminin grâce à sa composition dans Embrasse-moi comme tu m'aimes, la seule distinction qu'a obtenue la comédie dramatique d'André Forcier. Rappelons que la comédienne avait aussi été célébrée en 2007 grâce au film de Denis Chouinard Délivrez-moi.

«Merci, André, de nourrir le cinéma québécois de ta douce arrogance, que je saluerai toujours bien bas.»

Dans la nouvelle catégorie de la Révélation de l'année, l'Iris a été décerné à Rykko Bellemare. Cet honneur a permis à Avant les rues, le très beau film de Chloé Leriche, de s'inscrire au palmarès. Ceux qui font les révolutions à moitié n'ont fait que se creuser un tombeau, le film pamphlétaire de Mathieu Denis et Simon Lavoie, a aussi un ruban au tableau grâce à la direction artistique, signée Éric Barbeau (récompensé au Gala des artisans).

Manoir, de Martin Fournier et Pier-Luc Latulippe, a été sacré meilleur film documentaire. Dans les catégories dévolues aux courts métrages, Mutants, d'Alexandre Dostie, s'est fait valoir du côté de la fiction, et Vaysha l'aveugle, le film de Theodore Ushev en lice aux Oscars, en a fait de même du côté de l'animation.

Le Prix du public, maintenant décerné par vote populaire entre les cinq films ayant généré le plus grand nombre d'entrées au cours de l'année, est finalement allé à 1:54. Le film de Yan England, qui a beaucoup marqué le public en traitant du thème de l'intimidation, a ainsi damé le pion aux 3 p'tits cochons 2, champion du box-office l'an dernier.

Des choix classiques

Les choix de l'Académie ont été somme toute assez classiques. Entendez par là qu'aucun des acteurs étrangers en lice - ils étaient six - n'a obtenu d'Iris. Cité dans pas moins de 12 catégories, Two Lovers and a Bear, film anglophone de Kim Nguyen, a aussi mordu la poussière hier soir, bien qu'il ait récolté deux Iris lors du Gala des artisans (montage et son). Montréal la blanche, film remarquable de Bachir Bensaddek, est également rentré bredouille. Peut-être y a-t-il là matière à réflexion.

GAGNANTS DU GALA QUÉBEC CINÉMA 

Meilleure interprétation, second rôle masculin :

Luc Picard (Les mauvaises herbes)

Meilleur court métrage, fiction :

Mutants (Alexandre Dostie, Arts & Essai - Hany Ouichou, Gabrielle Tougas-Fréchette)

Meilleur court métrage, animation :

Vaysha l'aveugle (Theodore Ushev, Office national du film - Marc Bertrand)

Meilleur scénario :

Louis Bélanger et Alexis Martin (Les mauvaises herbes)

Meilleure interprétation, second rôle féminin :

Céline Bonnier (Embrasse-moi comme tu m'aimes)

Révélation de l'année :

Rykko Bellemare (Avant les rues)

Meilleur film documentaire :

Manoir (Martin Fournier, Pier-Luc Latulippe, Cheval Films Martin Fournier, Pier-Luc Latulippe)

Prix du public :

1:54 (Les Films Séville - Cinémaginaire, Denise Robert/Diane England, Yan England)

Meilleure interprétation, premier rôle masculin :

Gabriel Arcand (Le fils de Jean)

Meilleure interprétation, premier rôle féminin :

Mylène Mackay (Nelly)

Meilleure réalisation :

Xavier Dolan (Juste la fin du monde)

Meilleur film :

Juste la fin du monde (Les Films Séville - Sons of Manual: Sylvain Corbeil, Xavier Dolan, Nancy Grant/ MK Productions: Elisha Karmitz, Nathanaël Karmitz, Michel Merkt)