Y aurait-il un malentendu à propos de François Damiens ? Le fait est qu'au Québec, l'acteur belge, révélé il y a 10 ans grâce à OSS 117 : Le Caire, nid d'espions, a surtout été vu dans des comédies, souvent dans des rôles d'amoureux improbable ou de meilleur copain.

Des films comme JCVD, La délicatesse, L'arnacoeur ou Rien à déclarer ont notamment pu mettre en valeur ces facettes de sa personnalité d'acteur. Le comédien a aussi pu déployer son talent dramatique grâce à Suzanne, le très beau film de Katell Quillévéré.

Dans le coeur des gens, François Damiens reste toutefois le père attachant, sourd et muet, de La famille Bélier. Cette comédie dramatique, rappelons-le, a été gratifiée d'un très grand succès populaire, particulièrement en France. Près de 7,5 millions de spectateurs ont vu le film en salle dans l'Hexagone.

« Aux yeux des autres, il y a peut-être un "avant" et un "après" Famille Bélier, a reconnu l'acteur au cours d'un entretien accordé à quelques journalistes québécois. Mais j'essaie de ne pas en tenir compte. Quand on joue dans un film à succès, il faut surtout vite recommencer à travailler et se faire peur ! J'ai toujours alterné les genres et les styles. Les films qui traversent l'Atlantique ont habituellement des tonalités plus légères - à part Suzanne -, mais dans les faits, je passe plus de temps à jouer des drames que des comédies, même si j'ai plutôt l'image d'un acteur comique. Cela ne m'embête pas, cela dit. »

UNE TONALITÉ DIFFÉRENTE

Aussi n'a-t-il pas hésité à accepter l'offre que lui a faite Thomas Bidegain. L'éminent scénariste, qui travaille étroitement, entre autres, avec Jacques Audiard (Un prophète, De rouille et d'os, Dheepan), signe sa première réalisation avec Les cowboys.

La nature même du récit est un peu particulière, dans la mesure où Bidegain évoque, à travers une famille française adepte de la culture country, une histoire de radicalisation située dans les années 90. Père de deux adolescents, Alain perd la trace de sa fille lors d'une fête foraine. La disparition passagère présumée, à la faveur probable d'une escapade amoureuse, devient plus inquiétante au fil des jours. Très vite, on soupçonne la jeune femme d'avoir tout quitté pour emprunter une nouvelle identité. Alain, devenu obsessif, n'hésitera pas à courir des risques pour retrouver sa fille.

« La radicalisation de certains jeunes est maintenant devenue une évidence. Ça l'était moins il y a 20 ans. L'angle que Thomas emprunte dans son scénario me semblait particulièrement intéressant. Qu'il s'agisse d'un problème comme l'alcoolisme, la drogue, la prostitution ou la radicalisation, ça touche tous les milieux. »

Ce rôle de père sanguin et intransigeant a en outre permis à l'acteur d'explorer une tonalité moins familière. Sa composition lui a d'ailleurs valu une nomination aux Césars dans la catégorie du meilleur acteur.

« Thomas voulait que le personnage soit assez viril, voire dur, explique François Damiens. Ça m'intéressait d'être un battant, un conquérant plutôt qu'un gentillet. Alain est un homme qui refuse la fatalité. Il veut maîtriser une chose qui n'est pas maîtrisable. »

UNE RÉALITÉ EFFROYABLE

Dans le contexte actuel français, la vie d'un film comme Les cowboys est plutôt fragile. Le tournage a eu lieu au moment de la tuerie au Charlie Hebdo. Et le film a pris l'affiche dans les salles françaises dans la foulée des attentats meurtriers du 13 novembre.

« Il devient très particulier de parler d'un sujet cinématographique alors que la réalité est effroyable, souligne l'acteur. Mon métier n'est pas de commenter des sujets aussi délicats à chaud, en direct dans les médias. Honnêtement, ça n'a pas été une partie de plaisir. Cela dit, on sentait bien qu'il fallait le faire. Les producteurs et le distributeur ont décidé de sortir le film quand même et, à leur place, j'aurais fait la même chose. Deux mois ou six mois plus tard, qu'est-ce que ça aurait changé ? Le problème ne sera malheureusement pas éradiqué rapidement. »

Ni politologue ni spécialisé en criminologie ou en radicalisation, François Damiens revendique surtout son statut d'acteur. « Je suis là pour divertir les gens, pour les faire rêver, leur donner une petite bulle d'air. »

« Bien sûr, Les cowboys ne fait pas partie de ce genre de films, mais il permet quand même au spectateur de voir l'envers du décor en s'intéressant aux gens qui restent plutôt qu'à ceux qui partent faire le djihad. »

DES COMÉDIES AU PROGRAMME

Après cette incursion dans un monde très grave, François Damiens a visiblement eu envie de s'aérer un peu. Il tiendra notamment l'un des rôles principaux de Sivouplééé !, la nouvelle comédie de Philippe de Chauveron (Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?), de même que d'Ôtez-moi d'un doute, une comédie de Carine Tardieu dans laquelle il donnera la réplique à Cécile de France. Il compte aussi tenir le rôle principal d'un film qu'il réalisera, dont l'histoire est construite autour d'un personnage qui piège des gens à l'aide de caméras cachées.

« Je ne tourne jamais plus de deux films par an, indique-t-il. Mais je vais quand même accepter d'emblée certaines propositions de cinéastes belges, sans même avoir lu le scénario. Je l'ai fait pour Jaco Van Dormael et son Tout Nouveau Testament  ! »

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.

PHOTO TOBIAS SCHWARZ, AGENCE FRANCE-PRESSE

Plus tôt cette année, François Damiens a pris part au Festival du film de Berlin pour le film Des nouvelles de la planète Mars de Dominik Moll.