La barre était basse en poussant la porte de la salle 2 du cinéma Quartier Latin, où se tenait il y a quelques jours le visionnement de presse d'un énième remake de Heidi.

Que pouvait-on ajouter aux mille adaptations des romans de la Suisse-Allemande Johanna Spyri, rédigés à la fin du XIXsiècle ?

Les mésaventures de la petite Heidi ont notamment été portées au grand écran par l'iconique Shirley Temple dans le rôle-titre un peu avant la Seconde Guerre mondiale, puis à la télévision dans les dessins animés de Takahata et Miyazaki dans les années 70.

Et puis, l'histoire est bien connue. Heidi, une orpheline dégourdie, est confiée à son grand-père, une sorte d'ermite acariâtre qui habite un chalet dans les Alpes suisses.

La petite Helvète se lie d'amitié avec Peter, le jeune chevrier analphabète qui promène son troupeau dans l'alpage planté dans un décor de rêve.

Pour son plus grand malheur, la fillette atterrit à Francfort dans la somptueuse résidence de M. Sesemann - un bourgeois fortuné, mais absent - et de sa fille Clara, clouée à un fauteuil roulant.

Sous le joug d'une gouvernante coincée, Heidi apprend à lire, à se tenir à table et libère Clara de sa solitude. En proie au mal du pays, Heidi retournera chez son grand-père - qui a entre-temps cessé d'être bourru - pour y retrouver du coup Peter et ses montagnes.

Le réalisateur Alain Gsponer réussit un surprenant tour de force en donnant un second souffle à une recette aussi éculée qu'un méchant qui reprend vie dans un film d'épouvante.

Il faut dire que l'excellent acteur Bruno Ganz (La chute) vaut à lui seul le détour dans son personnage de grand-père sauvage et « peut-être coupable d'un meurtre », sorte de Bonhomme Sept Heures qu'on évite comme la peste dans le village voisin.

L'actrice Katharina Schüttler est pour sa part si crédible dans son rôle de perfide gouvernante qu'on finit par lui en vouloir à mort de casser du sucre sur le dos de la pure Heidi, dont le seul crime est de distribuer les sourires ravageurs à outrance.

D'ailleurs, les jeunes acteurs - de l'avis de quelqu'un qui fait de l'urticaire devant pratiquement tous les films mettant en vedette des gens qui n'ont pas encore mué - se débrouillent franchement bien. À commencer par l'interprète d'Heidi, Anuk Steffen, dont la candeur contagieuse contraste parfaitement avec les âmes tourmentées des gens qu'elle croise sur sa route.

Une belle histoire de casting, puisque Heidi et Peter ont été recrutés parmi 500 enfants auditionnés un peu au hasard dans le canton des Grisons, où l'histoire originelle et une bonne partie du tournage se sont déroulées.

D'ailleurs, le terme « beau film » prend ici tout son sens, tellement la photographie est impeccable. Le décor - largement exploité - bonifie l'histoire au point de devenir un personnage en soi.

Pour qu'Heidi s'ennuie tant de ses montagnes, valait mieux les voir grandioses.

L'Office de tourisme suisse devrait remercier les artisans du film tellement il donne le goût de se « gosser » un bâton de marche pour escalader ses vallons majestueux. Le film a même généré plus de retombées que Star Wars à sa sortie en Suisse, en décembre dernier.

Mention spéciale aussi à la musique de Niki Reiser, dont les ritournelles à la Amélie Poulain alimentent le dépaysement.

Bref, le film en est un pour la famille et non pour les enfants. Vos plus jeunes risquent d'ailleurs de décrocher pendant la période où Heidi tente en douceur d'amadouer son grand-papa ronchon. Plusieurs scènes sont émouvantes et vous forceront à faire semblant d'avoir des allergies en sortant de la salle.

Bref, une belle aventure, surprenante, qui nous rappelle l'importance de troquer à l'occasion une soirée Netflix sur la tablette pour une virée sur grand écran.

FILM D'AVENTURE

Heidi

D'Alain Gsponer. Avec Bruno Ganz, Katharina Schüttler, Anuk Steffen. 1 h 46.

PHOTO FOURNIE PAR TVA FILMS

Heidi