Au-delà des montagnes (Mountains May Depart) marquait la quatrième présence de Jia Zhang-Ke au Festival de Cannes, il y a un an. Les occasions de voir du cinéma asiatique sont tellement rares qu'on ne fera pas de chichi sur le délai, même si son drame amoureux est moins accompli que La soif du péché, son film précédent. Il s'agit tout de même d'un long métrage qui se distingue par son esthétique luxuriante et sa critique oblique de la Chine actuelle.

Figure prédominante du cinéma chinois, Jia Zhang-Ke est l'un des seuls cinéastes dont les films se rendent à nous. Et ce n'est pas parce qu'il est complaisant envers le régime, au contraire. Reste que c'est plutôt son style soigné et minimaliste, très coloré, qui le distingue. C'est toujours à couper le souffle sur le plan visuel.

Ce qui est encore le cas pour Au-delà des montagnes. Mais contrairement à La soif du péché, Prix du scénario à Cannes en 2013, ce nouvel opus ne se distingue pas par l'originalité de son récit. Il propose un duel entre deux hommes pour l'amour d'une femme...

Les protagonistes sont les amis d'enfance de Tao (Zhao Tao), mais grandissent dans un contexte bien différent. L'un, propriétaire d'une station-service, est promis à un avenir radieux, alors que l'autre est un petit travailleur condamné à l'indigence.

Le premier (Zhang Yi), dans sa volonté de devenir riche, incarne la Chine moderne - il déménagera d'ailleurs à Shanghaï - , alors que le deuxième (Liang Jingdong), un mineur qui se ruine la santé, représente la Chine des paysans. Sans surprise, Tao choisira le premier. Ils auront un enfant prénommé Dollar (!), puis divorceront.

Cette mise en place est un prétexte pour livrer un long métrage en trois actes, filmé en trois formats différents, qui se déroule à trois époques (1999, 2014 et 2025). Et qui se veut une méditation sur le temps qui passe, le déracinement, l'incommunicabilité et l'importance des liens familiaux. Avec à la clé une réflexion sur la mondialisation et l'uniformisation culturelle - Dollar, élevé en anglais, doit se servir d'une interprète pour dialoguer avec son père...

BRILLANTE ZHAO TAO

Outre les magnifiques images, le principal intérêt du film réside dans la forte présence de Zhao Tao. L'actrice fétiche du réalisateur, et sa femme, réussit le tour de force d'interpréter le même personnage sur un intervalle de 25 ans, sans artifice et avec beaucoup de crédibilité. L'oeuvre repose sur ses épaules, et elle la porte bien.

Au-delà des montagnes, qui se déroule à un rythme effroyablement lent, n'offre rien de bien original dans le discours et est englué dans la nostalgie. L'ironie dans tout ça, c'est que Jia Zhang-Ke se sert d'une chanson bien occidentale comme leitmotiv : Go West, des Pet Shop Boys. Ou peut-être est-ce une forme d'avertissement. Si on ne fait pas attention, la perte de diversité est inéluctable.

Peu importe. On s'attendait à mieux du grand réalisateur.

Au-delà des montagnes***. De Jia Zhang-Ke. Avec Zhao Tao, Zhang Yi, Liang Jingdong. 2 h 06.

Photo fournie par MK2

Le scénario d’Au-delà des montagnes manque d’originalité : le film raconte le duel entre deux hommes pour l’amour d’une femme. 

Image fournie par MK2

Au-delà des montagnes