Premier film tourné entièrement sous l'angle de vue du personnage principal, «Hardcore Henry» est sorti ce week-end aux États-Unis avec l'espoir, malgré des critiques mitigées, de séduire la «Génération Xbox»... et peut-être de lancer un nouveau genre cinématographique.

Dans Hardcore Henry, tourné en caméra GoPro, c'est le spectateur qui est le héros. Cette production russo-américaine partage l'esthétique et la cinématographie de jeux vidéo au succès mondial comme Halo et Call of Duty.

«Le cinéma d'action a toujours eu du succès quand il donne l'impression de plonger dans des situations dangereuses que la plupart des gens préfèreraient éviter dans la vraie vie», a remarqué son réalisateur russe Ilya Naishuller, qui signe ici son premier film.

«Le but avec Hardcore Henry était d'aller un peu plus loin et de mettre le public dans la peau du protagoniste, de lui faire ressentir les émotions primitives, enivrantes qui résultent de scènes qu'on voit d'habitude avec plus de distance», a-t-il ajouté.

Ce n'est pas la première fois que l'angle de vue du protagoniste est utilisé: les films d'horreur ou d'épouvante comme Halloween ou Jaws y ont depuis longtemps recours.

Il est nouveau toutefois de n'utiliser que ce prisme dans tout le film, des scènes de violence à celles de sexe, pendant 96 minutes chargées en hémoglobine.

Ce point de vue visuel hérité de l'univers des jeux vidéo s'inscrit dans la lignée du flirt de plus en plus poussé qu'Hollywood entretient avec une industrie devenue colossale.

Les secteurs du film et du jeu vidéo pèsent chacun près de 100 milliards de dollars dans le monde. En ne comptant que les recettes en salles et non celles tirées de la télévision et du streaming, le cinéma génère toutefois bien moins, avec quelque 40 milliards de dollars par an.

Ultraviolence

Cela fait des années que des films sont adaptés de jeux à succès comme Tomb Raider et Resident Evil pour attirer en salles la génération Xbox, du nom de la console de jeu commercialisée par Microsoft, un terme popularisé par le scénariste britannique Jamie Russell.

Dans un livre en anglais paru en 2012, Generation Xbox, ce dernier affirme qu'Hollywood est en train de perdre la tranche démographique des 18-24 ans qui se disent de plus en plus: «Pourquoi regarder un film si on peut le vivre?».

Et de fait, à coups d'investissements chiffrés à des millions de dollars, les jeux vidéo bénéficient d'une cinématographie de plus en plus léchée et spectaculaire.

«La génération Xbox sait que la barrière autrefois nette entre les jeux et les films est de plus en plus perméable. Ils utilisent leurs consoles de jeux pour regarder des films avec» le service de vidéo en ligne Netflix, remarque ainsi Jamie Russell.

Après sa première mondiale au festival de Toronto en septembre où il n'avait pas convaincu les critiques, Hardcore Henry s'est glissé à la cinquième place du box-office nord-américain dès sa sortie ce week-end dans 3000 salles américaines et canadiennes, enregistrant cinq millions de dollars de recettes.

Distribué par STX, qui aurait déboursé dix millions de dollars selon les médias spécialisés, il arrivera mercredi en France et le 20 avril en Belgique.

Tourné principalement à Moscou avec quelques séquences à Los Angeles, le film raconte l'histoire de Henry, qui a perdu la mémoire. Il apprend qu'il est un cyborg,- mi-homme mi-robot -, et qu'il doit protéger sa femme de gangs ultraviolents.

Les spectateurs ne voient jamais son visage et il n'y a pas d'acteur crédité pour son rôle.

L'acteur sud-africain Sharlto Copley (District 9, Maleficient) joue le guide de Henry, et Haley Bennett (The Equalizer) sa femme, tandis que l'acteur britannique Tim Roth fait une brève apparition dans le rôle de son père.

«Si Hardcore Henry est un succès, la technique de Naishuller (...) pourrait transformer le cinéma», souligne Ross Lincoln, critique chez Deadline.

Il estime toutefois que Hardcore Henry s'apparente plus à «un test d'endurance» pour tous ceux qui ne seraient pas des inconditionnels de jeux vidéo.

Pour le quotidien New York Post, le film fait penser à «un jeu vidéo joué par quelqu'un d'autre».