Pras Michel, ex-membre du groupe de R & B The Fugees, se lance dans le cinéma avec un documentaire qu'il a produit et dont il est le narrateur, Sweet Micky for President.

Le film, présenté cette semaine au festival du film de Los Angeles, raconte l'accession au pouvoir du président haïtien Michel Martelly, que Pras Michel, né à New York mais de parents haïtiens, dit avoir inspirée.

«J'ai rencontré Michel Martelly il y a des années au début de ma carrière avec les Fugees. C'était lors d'un concert à Miami où il vivait à l'époque. C'était une grosse salle mais seules dix personnes sont venues, dont lui», a-t-il expliqué à l'AFP en marge du festival.

Au moment du séisme qui a dévasté Haïti en 2010, Pras Michel dit avoir voulu profiter de son statut de célébrité internationale pour faire quelque chose pour son pays. «J'ai d'abord voulu faire un documentaire sur le tremblement de terre» et il a contacté son ami cinéaste Ben Patterson, qui a réalisé Sweet Micky. «Puis je me suis dit ''tout le monde se fiche d'un film sur le tremblement de terre''», poursuit-il.

Il dit avoir alors suggéré à Michel Martelly de se porter candidat. «Je pensais que c'était un bon choix pour briser le statu quo qui durait en Haïti depuis 207 ans de turbulences politiques, blocage et corruption» depuis la révolution et l'indépendance, argumente-t-il.

Le film retrace la transformation du musicien de «compas» très populaire, aux postures sur scène outrancières, en candidat crédible, se déclarant à Montréal avant d'aller à la recherche de donateurs haïtiens à New York ou à Hollywood, où Michel Martelly a été soutenu notamment par Sean Penn et Ben Stiller, qui apparaissent dans le film.

Il exclut toutefois tout regard critique sur le bilan des quatre ans au pouvoir du chef d'État. Alors que de nouvelles élections se font attendre, le pays le moins développé des Amériques traverse une nouvelle crise politique. Faute d'accord avec l'opposition, le Parlement est virtuellement dissous, Michel Martelly gouverne par décrets, la corruption reste endémique.

Pras Michel soupire: «Est-ce qu'il va entrer dans l'histoire comme un nouveau Winston Churchill? Non. Est-ce qu'on se rappellera de lui comme de Mao ou Ivan le Terrible? Non plus. Certains peuvent penser qu'il n'a pas fait assez».

Le film montre aussi Pras s'opposer frontalement avec son frère ennemi des Fugees, Wyclef Jean, entré dans la course à la présidence en 2011 avant de voir sa candidature rejetée. Il s'est rallié au dernier moment à Martelly.

Pras Michel exclut pour l'instant toute réunion des Fugees et veut se focaliser sur sa carrière cinématographique naissante. Après avoir tenu plusieurs petits rôles, notamment chez Abel Ferrara dans Go Go Tales (2012), Michel a coproduit le film de Don Cheadle sur le jazzman Miles Davis (Miles Ahead), qui doit sortir plus tard cette année.

Il travaille maintenant sur un projet consacré à Johnny Nicholas, «un Haïtien qui parlait six langues et qui s'est retrouvé à Paris pendant la Seconde Guerre mondiale». «Il a fini par être déporté, il était le seul Noir du camp et il parlait allemand couramment. Il a sauvé 2000 Juifs. C'est une histoire vraie», s'enthousiasme-t-il.