L'entreprise Sony Pictures Entertainment ne sortira pas grandie de toute cette histoire. Sa gestion du dossier The Interview a été tellement chaotique que des gens ont cru, hier, qu'elle faisait partie d'une campagne de marketing savamment orchestrée.

Bien entendu, il n'en est rien. Le fait est que cette comédie plutôt ordinaire est dorénavant sur la liste des films «à voir» d'à peu près tout le monde. Aux États-Unis, des spectateurs qui n'auraient jamais eu d'intérêt pour ce genre de film se promettent maintenant d'aller le voir par «devoir patriotique».

Rappelons que dans The Interview, qui prend l'affiche demain aux États-Unis, deux zoufs de la télé, invités en Corée du Nord, sont recrutés par la CIA pour assassiner Kim Jong-un.

L'ennui, c'est que Sony est en train de se mettre à dos de précieux alliés en cours de route. Encore la semaine dernière, un porte-parole de la société affirmait qu'il n'était plus question que The Interview sorte sous quelque forme que ce soit.

Quelques jours plus tard, le président-directeur général Michael Lynton, après que le président Obama eut déclaré que Sony avait fait «une erreur», précisait sur les ondes de CNN que la décision de retirer le film de la circulation découlait directement de la volonté des propriétaires de salles. «Nous n'avons jamais abandonné l'idée de diffuser The Interview», a-t-il répété hier.

L'annonce de la «reprogrammation» du film dès demain, sur environ 200 écrans de cinémas indépendants, a soulevé l'ire des grandes chaînes d'exploitation. Non seulement estiment-elles avoir été les boucs émissaires d'une décision radicale, mais Sony va plus loin en offrant The Interview en vidéo sur demande simultanément à sa sortie en salle. 

Ce faisant, le studio enfreint la règle selon laquelle un film hollywoodien peut être offert sur d'autres plateformes seulement quatre mois après le début de son exploitation en salle.

«Terroriste, pas terroriste, c'est non!»

Joint par La Presse hier, Vincent Guzzo, président de l'Association des propriétaires de salles de cinéma du Québec, nous a fait savoir qu'aucune salle membre de son association n'allait présenter le film. «Terroriste, pas terroriste, c'est non!, a-t-il lancé. Sony veut maintenant tirer profit de cette affaire en changeant les règles. Pour nous, c'est inacceptable.»

À cet égard, il convient de rappeler qu'avant les menaces de l'organisation Les Gardiens de la paix, Sony n'avait pas réclamé beaucoup d'écrans pour ce film mineur au Québec. Quelques salles seulement allaient présenter The Interview en version originale.

Mais le plus drôle reste encore à venir. Quand tous ceux qui se gargarisent aujourd'hui de cette «grande victoire contre le terrorisme» verront le fameux film, ils constateront que l'humour qu'on y pratique est à peu près du même niveau que celui de Jackass. Et ils auront alors vraiment l'impression d'avoir été les dindons de la farce. Joyeux Noël!