Deux ans après Coriolanus, l'acteur britannique Ralph Fiennes revient derrière la caméra pour explorer dans The Invisible Woman la relation adultère, mouvementée et méconnue de l'écrivain anglais Charles Dickens avec une jeune actrice.

The Invisible Woman, qui est sorti mercredi en Amérique du Nord, est adapté d'un livre éponyme publié en 1990, retraçant une décennie de passion entre Dickens et la jeune Ellen «Nelly» Ternan.

Lorsqu'il a le coup de foudre pour l'actrice de 18 ans, l'auteur d'Oliver Twist a 45 ans. Il est alors au faîte de sa gloire. Et même s'il finira par se séparer de son épouse, au mépris des conventions victoriennes, sa relation adultère condamnera Nelly à une vie, insupportable pour elle, de dissimulation et d'anonymat.

«Les gens sont surpris, ils ne connaissaient pas vraiment l'histoire», explique Ralph Fiennes à l'AFP. «Dans les biographies, on a écrit (sur cette relation) mais personne ne voulait vraiment s'y intéresser», dit-il, en reconnaissant qu'avant ce film, il n'avait «pas beaucoup d'intérêt pour Charles Dickens».

Pour l'acteur shakespearien, «le sujet principal du film n'est pas Dickens mais Nelly», interprétée par l'actrice britannique Felicity Jones (Like CrazyBreathe In).

«Ce qui m'a décidé à faire ce film, c'est de voir comment cette jeune femme trouve la paix, comme elle parvient à se réconcilier avec elle-même et avec la vie secrète qu'elle a menée avec cet homme», souligne-t-il.

«Elle m'a ému. Et seulement ensuite, à son côté, intervient Dickens avec ses étincelles, son énergie et son charisme», ajoute l'acteur, qui incarne avec brio l'écrivain anglais.

Pour interpréter Nelly, Ralph Fiennes cherchait une actrice capable d'exprimer «une vraie vie intérieure». «Car je pense que Nelly est avant tout dans la réaction. C'est Dickens qui l'a poursuivie de ses assiduités. Je voulais qu'elle réagisse avec son propre drame intérieur».

Incroyablement passionnée à l'intérieur

Felicity Jones assure qu'elle a trouvé «presque instinctivement que Nelly était très contenue et qu'il y avait chez elle quelque chose de l'ordre du masque, qu'elle ne mettait pas toutes ses cartes sur la table».

«Mais j'ai senti aussi qu'à l'intérieur d'elle, elle était incroyablement passionnée et j'ai aimé cette contradiction», déclare-t-elle à l'AFP.

The Invisible Woman est le deuxième film de Ralph Fiennes comme réalisateur, après ses débuts dans le drame shakespearien Coriolanus (2011).

«Je me souvenais de Coriolanus et des choses que je voulais améliorer, mais évidemment, plein de nouveaux problèmes sont apparus avec ce nouveau film. Mais comme j'étais déjà passé par là une fois, cela m'a donné une sorte de confiance», dit-il.

Derrière la caméra, l'acteur de 51 ans, nommé à l'Oscar pour The English Patient et Schindler's List, est naturellement très concentré sur le jeu d'acteur, observe Felicity Jones.

«Parfois, les réalisateurs vous laissent un peu faire ce que vous voulez, mais Ralph était très impliqué avec nous tous et il nous poussait vraiment. Et évidemment, comme il est acteur lui-même, il repère tout de suite ce qui sonne faux», précise-t-elle.

La courtoisie et le calme de Ralph Fiennes - «son sérieux vient d'une réelle intégrité», assure Felicity Jones - ne l'empêchent pas de pousser ses acteurs dans leurs retranchements.

«On dit souvent qu'il faut être plus retenu au cinéma» qu'au théâtre, dit-il. «C'est vrai que c'est une règle de base, mais nous avons tous vu des interprétations incroyables où un personnage explose. Cela paraît énorme, mais en vérité, c'est plus réaliste. Les gens explosent dans la vie, ils partent en vrille».

Malgré son emploi du temps très chargé, Ralph Fiennes compte bien continuer à réaliser des films. «Mais je sens aujourd'hui que je ne veux pas me lancer dans quelque chose, sans avoir la conviction intérieure que je dois le faire. J'ai la chance d'avoir beaucoup de propositions, mais je ne veux pas le faire simplement parce que cela a l'air intéressant».