Au début du mois de décembre, elle était de l'événement Cinéma du Québec à Paris, où elle accompagnait trois films. En mai, elle comptait parmi les «10 actrices à suivre» du Festival de Cannes selon le magazine américain Indiewire, en compagnie notamment de Bérénice Bejo et d'Emma Watson.

Sophie Desmarais, 27 ans, a connu la consécration en 2013 avec deux films à Cannes: Sarah préfère la course de Chloé Robichaud, sélectionné dans la section Un certain regard et dont elle interprétait le rôle-titre, et Le démantèlement de Sébastien Pilote à la Semaine de la critique.

Elle a aussi été de la distribution de Chasse au Godard d'Abbittibbi d'Éric Morin, présenté en première mondiale au Festival de Hambourg, en plus de jouer dans deux pièces au Théâtre d'Aujourd'hui: Yukonstyle de Sarah Berthiaume et Instruction pour un éventuel gouvernement socialiste qui souhaiterait abolir la fête de Noël de Michael Mackenzie.

L'actrice aux yeux félins, qui a tourné deux autres longs métrages durant l'été (Henri Henri de Martin Talbot et Qu'est-ce qu'on fait ici? de Julie Hivon), inspire quantité de créateurs. C'est donc naturellement que La Presse l'a désignée «muse de l'année».

«J'ai senti que le regard sur mon travail avait changé cette année, dit-elle. Les attentes, notamment des journalistes, étaient plus grandes. C'était nouveau pour moi.»

Ses performances ont été à la hauteur de ces attentes, et l'accueil critique à l'avenant. «Son visage est à lui seul tout un bulletin météo sentimental où passent les nuages noirs de l'angoisse, l'embellie de l'humour et quelques avis de tempêtes colériques», a écrit le quotidien français Libération à propos de son interprétation de Sarah.

Sophie Desmarais a récolté en 2013 les fruits de choix audacieux. Celui, par exemple, de s'entraîner pendant six mois afin d'être crédible dans le rôle de la coureuse de demi-fond de Sarah préfère la course. Sans savoir si le premier long métrage de Chloé Robichaud obtiendrait du financement, et encore moins qu'il serait sélectionné à Cannes.

«Entre le tournage de Chasse au Godard d'Abbittibbi et Sarah préfère la course, il y a eu six mois où je me suis entraînée sans rien faire d'autre, dit-elle. C'était un peu insécurisant. J'ai tourné Le démantèlement par la suite et, à l'hiver, je n'avais plus de travail. Les hivers sont rudes pour les acteurs quand ils ne jouent pas au théâtre ou dans une télésérie. Il y a très peu de tournages. Je me suis demandé si je ne devais pas trouver un travail d'appoint.»

Un décalage entre la réalité et l'idée «glamour» que certains se font du métier d'acteur. Les cachets ne sont pas faramineux pour ceux qui choisissent surtout de jouer dans des films d'auteur à petit budget. «On s'investit d'une autre manière, dit Sophie Desmarais. J'adore ce que je fais. Ce qui est drôle, c'est quand tous les films sortent en même temps et que les gens ont l'impression qu'on est une star qui roule sur l'or!»

Elle ne se plaint pas le moindrement de son sort. La dernière année l'a vue passer de rôles de soutien à des rôles de premier plan. Elle a obtenu un rôle dans En thérapie, série de TV5 qu'elle tournera cet hiver avec Louis Bélanger, et elle sera de la distribution du prochain film (en anglais) de Rafaël Ouellet, Gurov et Anna.

Sa crainte en cette fin d'année? Pas d'être en manque de travail, mais d'être surexposée. «J'adore le cinéma, j'aime tourner des films, mais j'ai l'impression qu'au Québec, on peut saturer rapidement. J'ai peur parfois d'être trop présente, ce qui me pousse à vouloir faire des rencontres ailleurs. Même si j'ai fait des films qui n'ont pas été de grands succès populaires.»

Il y a de l'intérêt pour son travail à l'étranger - elle reçoit sur Facebook des compliments d'admirateurs et de cinéastes coréens, hongrois ou allemands! -, elle a une agente à Paris, mais pas de propositions concrètes pour l'instant. «Je me laisse guider dans tout ça. J'ai l'impression que plus je vieillis, moins je suis ambitieuse.»

Elle l'a constaté récemment à Cinéma du Québec à Paris: on la présente depuis quelques mois à l'étranger comme le «nouveau visage» du cinéma québécois. «Ça me fait très plaisir, mais ça me met une pression que je n'ai jamais eue, dit-elle. Mais je me sens hyper privilégiée en même temps. Il y a tellement peu de rôles de premier plan pour des femmes dans le cinéma québécois. Ç'a été une année remplie de bonheurs!»