Quinze jours après Georges Lautner, le cinéma français grand public a perdu un autre de ses réalisateurs emblématiques, Edouard Molinaro, décédé samedi à l'âge de 85 ans, après avoir signé des succès comme Oscar, L'Emmerdeur et surtout La cage aux folles.

Le réalisateur est décédé d'une insuffisance pulmonaire à l'hôpital Tenon à Paris, a-t-on précisé dans son entourage.

Le président François Hollande lui a rendu hommage dans un communiqué, saluant «un grand cinéaste attachant et original», qui «possédait le talent d'attirer un large public autour de films de qualité» et qui «fit tourner les plus grands acteurs du cinéma français en conquérant à la fois le public et l'estime de ses pairs».

«Edouard Molinaro avait imposé sa marque sur le grand cinéma populaire, avec un ton joyeux et attachant, vif et allègre», a pour sa part déclaré Frédérique Bredin, présidente du Centre national du cinéma français.

«Il promenait sur l'univers du cinéma un regard d'un grande intelligence, d'une grande culture avec un léger désenchantement», a dit sur la radio France-Info Fabrice Luccini, l'acteur qui avait tourné avec lui dans Beaumarchais, l'Insolent (1996).

Né à Bordeaux (sud-ouest) le 13 mai 1928, dans une famille bourgeoise, Edouard Molinaro était réputé pour la précision de son travail, mais aussi pour sa très grande modestie.

Au début de sa carrière, il avait été classé dans la «nouvelle vague», à la fin des années cinquante, avant de se lancer vers vaudevilles et comédies avec plusieurs monstres sacrés comme Louis de Funès, Lino Ventura ou encore Jacques Brel.

C'est l'adaptation, en 1978, de La Cage aux folles, de Jean Poiret, avec Michel Serrault et Ugo Tognazzi, qui lui apportera son plus grand succès commercial, immortalisé par la scène de «la biscotte». Le film fut plébiscité jusqu'aux États-Unis, avec deux nominations aux Oscars.

Pas «un grand amateur de vaudeville»

Autodidacte, passé par la réalisation de plusieurs documentaires, il aborde le long-métrage par le film policier. Le Dos au mur, en 1957, avec Jeanne Moreau et Gérard Oury, est l'adaptation d'un roman policier de Frédéric Dard.

Suivront Des Femmes disparaissent (1958), avec Robert Hossein et Magali Noël, puis Un Témoin dans la ville (1959) avec Lino Ventura.

Après La Mort de Belle (1960), d'après un roman de Georges Simenon, Edouard Molinaro amorce sa reconversion dans la comédie grand public.

Louis de Funès lui assure le succès populaire avec «Oscar» en 1967, et dans une moindre mesure Hibernatus, en 1969.

Pourtant les rapports entre les deux hommes étaient pour le moins houleux, comme le racontait Edouard Molinaro dans un entretien à l'hebdomadaire Télérama en janvier dernier.

«Je n'étais pas très heureux sur ce film», avait-il confié, avouant ne pas être «un grand amateur de vaudeville». A propos d'Hibernatus, il dira : «un cauchemar dès l'écriture du film».

L'Emmerdeur, avec le duo Jacques Brel - Lino Ventura, sera un autre de ses succès populaires, en 1973.

Dans les années 90, Edouard Molinaro continue à adapter des pièces de théâtre pour le grand écran, comme Le Souper (1992), avec Claude Brasseur et Claude Rich.

Mais il se tourne alors surtout vers la télévision, réalisant des téléfilms (les Claudine, Au bon beurre, Nana, Une famille pas comme les autres) ou des épisodes de séries (H, Navarro, Le Tuteur).

Il avait à son actif une cinquantaine de films pour le cinéma et la télévision.

Pour l'acteur Pierre Arditi, interrogé par la radio publique France Info, Edouard Molinaro, «appartenait à cette catégorie de cinéastes qu'on appelait d'une manière péjorative et totalement injustifiée des bons fabricants, comme s'ils n'étaient pas des bons créateurs».