Le lendemain de la grande première de Prisoners au Festival de Toronto, Denis Villeneuve se pinçait encore. Sa première expérience hollywoodienne n'aurait pu se dérouler dans de meilleures conditions.

«Si Prisoners devait être mon dernier film, je dirais merci la vie! lance-t-il au cours d'un entretien accordé à La Presse. J'ai eu l'occasion de travailler avec de très grands artistes, tant derrière que devant la caméra. J'ai eu la chance extraordinaire de collaborer avec un directeur photo comme Roger Deakins, un génie. Ça en devient touchant de faire de la mise en scène dans un contexte comme celui-là. À mes yeux, le film doit beaucoup à Roger.»

Denis Villeneuve est surtout heureux d'être parvenu à conserver son identité de cinéaste même si le film a été produit à l'intérieur du système d'un grand studio.

Prisoners est un thriller psychologique de grande qualité, qui allie suspense, intelligence et profondeur. À cause de la nature du sujet, le long métrage, d'une durée de 150 minutes, est aussi parsemé de scènes violentes très réalistes. À l'époque d'Incendies, le cinéaste québécois n'avait pas caché son inconfort à l'idée d'avoir à tourner des scènes très dures.

«J'essaie d'éviter ce genre de scènes le plus possible, mais quand il faut y aller, on ne peut pas freiner, explique-t-il. J'aime les cinéastes comme Haneke ou Scorsese, qui savent utiliser la violence quand elle sert un propos, qu'elle a une signification. Autrement dit, quand cette violence ne se transforme pas en spectacle. Son impact dramatique est alors énorme, car elle est montrée dans toute sa puissance et sa laideur.

Cela dit, il est certain que l'intensité monte d'un cran sur le plateau quand on tourne ces scènes-là. Dans mon cas, l'idée était d'en montrer le moins possible, mais de ne pas avoir peur d'y aller à fond quand il le fallait.»

Comme des Ferrari

Tous les acteurs ont souscrit à sa vision. Prisoners affiche à cet égard l'une des distributions les plus impressionnantes de l'année.

«Quand on travaille avec des acteurs de ce calibre, on a vraiment l'impression d'avoir des Ferrari à sa disposition, fait remarquer le cinéaste. Je sais gré au studio d'avoir eu l'idée de la mixité des deux familles. Cela m'a en outre permis de travailler avec Viola Davis, une actrice exceptionnelle. Elle a accepté de jouer dans le film alors que son rôle est secondaire. Je n'en revenais pas!»

Tourné avec un budget de 55 millions de dollars, Prisoners est un film autour duquel plane une rumeur favorable depuis un bon moment. Au point où tous les autres studios ont déplacé les sorties de leurs grosses productions prévues le même week-end, concédant ainsi implicitement la victoire du box-office au film de Villeneuve.

«C'est incroyable comme tout est stratégique à Hollywood, observe-t-il. Quand tout sera fini, je compte d'ailleurs demander à ce qu'on m'explique comment fonctionne l'économie d'un film dans ce contexte. Le budget du film est de 55 millions, mais je sais que j'ai travaillé en réalité avec un budget de 16 millions. Je veux qu'on m'explique où va tout cet argent!»