Au lendemain de l'accueil triomphal qu'a obtenu le premier film hollywoodien de Denis Villeneuve, Prisoners, Jean-Marc Vallée est venu présenter au Festival de Toronto (TIFF) le très attendu Dallas Buyers Club.

À l'instar du thriller psychologique de Villeneuve, la nouvelle offrande du réalisateur de Café de Flore, tournée à La Nouvelle-Orléans, a immédiatement suscité ce qu'on appelle ici un «Oscar buzz». Dans les couloirs des hôtels où se tiennent les différentes rencontres de presse, la performance de Matthew McConaughey, qui s'est pratiquement décharné pour se glisser dans la peau de son personnage (il a perdu plus de 20 kg), suscite un enthousiasme certain. Celle de Jared Leto, formidable dans le rôle d'un transsexuel, fait aussi beaucoup jaser.

«Depuis hier, à peu près tous les journalistes que je rencontre me parlent du fameux Oscar buzz qui entourerait mon film, a déclaré Jean-Marc Vallée au cours d'une rencontre de presse tenue en anglais, à laquelle La Presse a pu assister. Je ne sais pas si c'est significatif ou pas. Je préfère ne pas avoir d'attentes, ni commenter, afin de ne pas attirer le mauvais sort!»

Il est vrai que les excellentes performances des deux acteurs principaux sont de celles qui peuvent se faire remarquer auprès des différentes associations de critiques et des membres de l'Académie.

Inspiré d'une histoire vraie, Dallas Buyers Club relate les efforts qu'a mis un homme atteint du sida dans les années 80 pour rendre accessibles des médicaments jusque-là interdits par les autorités américaines. Ron Woodrof (McConaughey) a reçu son diagnostic en 1985. L'annonce a pratiquement été accompagnée d'une condamnation à mort. Le médecin a en effet indiqué à son patient que la maladie ferait son oeuvre en 30 jours. Ce cowboy homophobe, atteint alors dans sa masculinité même (la maladie était fortement liée aux rapports sexuels entre hommes à l'époque), a alors décidé de prendre son traitement en main.

Surtout, il a conçu un système de distribution clandestin de médicaments non encore autorisés par la Food and Drug Administration (FDA). Il a ainsi brassé de grosses affaires, tout en prolongeant sa vie de quelques années. Pour atteindre la clientèle visée, Woodrof a toutefois dû solliciter - à son corps défendant - la collaboration de Rayon (Leto), un transsexuel rencontré à l'hôpital, un être on ne peut plus représentatif d'un «style de vie» qui le dégoûte.

Une transformation physique

Investi d'une «mission», Matthew McConaughey s'est entièrement mis au service de son personnage, allant même jusqu'à se transformer physiquement.

«Je n'ai pas mis ma santé en jeu, a-t-il expliqué hier à quelques journalistes. Mais j'ai bien vu le regard des autres changer, surtout ceux qui ignoraient mon engagement envers ce rôle. Au début, j'ai eu droit à: «Tu as perdu du poids?» Ensuite à: «Es-tu correct?» Pour aboutir enfin à: «Mon dieu, es-tu malade?» C'est à cette étape que j'ai su que j'étais prêt. Je dirais que j'ai dû perdre trois livres par semaine pendant trois ou quatre mois.»

L'acteur se fait aussi élogieux pour Jean-Marc Vallée.

«J'ai beaucoup aimé travailler avec Jean-Marc, dit-il. Nous avions la même vision d'ensemble. Comme le budget était très modeste et que nous disposions de 25 jours de tournage seulement, nous avons beaucoup travaillé en amont. Pendant des mois, nous avons révisé le scénario et nous l'avons peaufiné. Comme Jean-Marc n'aime pas les courriels, nous avons aussi passé beaucoup de fins de soirée à discuter via Skype!

«Dans ce genre d'histoire, poursuit l'acteur, il y a habituellement un troisième acte au cours duquel un personnage reçoit une grande révélation et change complètement sa vision des choses. Nous ne voulions pas cela. Woodrof est resté un homme d'affaires jusqu'à la fin. Son militantisme était essentiellement intéressé. Bien entendu, une transformation s'est opérée, notamment au contact de Rayon, mais ça reste quand même subtil. Si un grand studio s'était emparé de ce film, il est certain qu'un troisième acte aurait été imposé et qu'on aurait dû sortir les violons. Je rends grâce à Jean-Marc d'être resté fidèle à une vision plus réaliste, plus humaine, en quelque sorte.»

Dallas Buyers Club prend l'affiche en salle le 1er novembre.