Entrée avec fracas, mais d'une voix posée dans le monde du cinéma en 1959 avec Hiroshima mon amour, Emmanuelle Riva, en lice pour l'Oscar de la meilleure actrice pour Amour, est devenue une icône discrète du septième art au gré d'une filmographie aussi riche qu'exigeante.

L'actrice de 85 ans, qui s'est prêtée pour Michael Haneke au rôle difficile, mais bouleversant d'une femme luttant contre la sénilité au soir de sa vie, a ajouté jeudi une nomination aux Oscars à la longue liste de prix et nominations qui saluent depuis quelques mois sa prestation.

Sa cote d'amour auprès des cinéphiles américains -- généralement très admiratifs du cinéma français des années 50 et 60 -- est au plus haut et l'actrice pourrait bien ravir la précieuse statuette aux jeunes favorites américaines que sont Jessica Chastain et Jennifer Lawrence.

Les associations de critiques cinématographiques de Los Angeles, Boston et New York l'ont déjà récompensée, et l'actrice est également en lice pour les BAFTA britanniques.

Cette actrice de théâtre née dans les Vosges en 1927 fait ses premiers pas au cinéma avec Denys de La Patellière en 1958, mais c'est Alain Resnais qui impose son beau visage et son verbe inimitable dans Hiroshima mon amour (1959), qui lui vaut sa première participation au Festival de Cannes.

L'actrice, volontiers cérébrale et littéraire, se régale du scénario de Marguerite Duras et sidère une génération de cinéphile, avec son rôle d'actrice éprise d'un architecte japonais après la Seconde Guerre mondiale.

Un métier «très jouissif»

L'actrice prête ensuite son physique altier à Jean-Pierre Melville, pour Léon Morin, prêtre, puis à Georges Franju pour Thérèse Desqueyroux, qui lui vaut le prix d'interprétation féminine à Venise en 1962.

Rétive aux classifications, comme elle l'expliquait à l'AFP en mai dernier, Emmanuelle Riva se montre extrêmement sélective, ne courant pas forcément après les premiers rôles. Elle travaille notamment pour Jean-Pierre Mocky et Philippe Garrel, et n'hésite pas à se partager entre le cinéma et la télévision.

En 1992, son rôle de matriarche implacable dans Loin du Brésil de Tilly la rappelle au bon souvenir des cinéphiles, et elle enchaîne un an plus tard avec Bleu de Krzysztof Kieslowski. On la verra aussi dans Vénus beauté (institut) de Tonie Marshall en 1999.

Ces dernières années, elle a notamment tourné pour Jean-Pierre Améris, Emmanuel Bourdieu, Pascal Bonitzer, Julie Delpy ou Brigitte Roüan.

Jusqu'à ce que Michael Haneke lui offre le rôle principal d'Amour au côté d'une autre légende du cinéma français, Jean-Louis Trintignant. Un rôle qu'elle a vécu, malgré sa difficulté, comme une «délivrance».

«Il y a une très grande joie de sentir qu'on échappe à soi-même pour aller on ne sait pas où», expliquait-elle à l'AFP au dernier Festival de Cannes, où Amour a remporté la Palme d'Or.

«On dit 'entrer dans la peau du personnage', cela a l'air un peu bébête, mais en fait c'est assez ça, avec toute la chair et l'esprit et le coeur», dit-elle. «Dans ce métier, il y a des douleurs, des grandes difficultés parfois, mais c'est aussi très jouissif».