Il en est qui se fondent dans l'univers des superhéros comme d'autres entrent en religion. Ou peut-être même dans une secte occulte. Gare à ceux qui oseront en contester les préceptes. Notre collègue Sonia Sarfati, grande amatrice du genre (mais spécialiste dans les faits), pourrait d'ailleurs vous en raconter de fort bonnes à ce propos. La simple évocation d'un petit bout de ce qui pourrait peut-être ressembler de loin à une poussière de réserve lui vaut inévitablement un char de bêtises de la part de certains admirateurs «hardcore» un peu trop dévoués. Tous ces films ne peuvent être que des chefs-d'oeuvre absolus. Rien d'autre. Avec nous ou contre nous, comme dirait l'autre en se prenant pour G.I. Joe.

Quelques jours avant la sortie de The Dark Knight Rises, le site américain Rotten Tomatoes, qui recense les avis des critiques nord-américains pour en tirer des statistiques, a d'ailleurs dû gérer une vraie crise. Des disciples de Batman se sont en effet violemment exprimés - certains y sont même allés de menaces - à la suite de la publication de critiques moins enthousiastes que d'autres. À tel point que l'espace réservé aux commentaires - pourquoi tant de haine? - a carrément dû être fermé.

C'est dans ce contexte que David Cronenberg - bonjour l'insouciance - est intervenu cette semaine avec un commentaire anodin qui, pourtant, a enflammé le cyberespace sur toutes les plateformes. En tournée aux États-Unis pour accompagner la sortie de Cosmopolis là-bas, le célèbre cinéaste canadien a déclaré dans une interview accordée au site Next Movie avoir trouvé les Batman de Christopher Nolan «ennuyants». Pauvre fou!

«Son meilleur film reste Memento, a-t-il dit. Ses Batman sont deux fois moins intéressants et coûtent 20 millions de fois plus... Certes, il réalise de très belles prouesses techniques. Il filme en Imax et en 3D. J'ai lu des choses là-dessus dans American Cinematography Magazine, et techniquement, c'est passionnant. Mais les films sont d'un ennui!»

Hum. Quelqu'un aurait dû souffler au distingué cinéaste que Nolan est, dans les faits, l'un des plus grands pourfendeurs du cinéma en relief. Mais passons. La vision de Cronenberg à propos des films de superhéros mérite quand même notre attention.

«Si on me demande si je peux faire un film d'horreur qui soit aussi un film d'art, je réponds oui. Mais par définition, le film de superhéros est issu des bandes dessinées. C'est pour les gamins, les adolescents. C'est ce qui les rend attirants, d'ailleurs. Mais quand j'entends des gens dire que The Dark Knight Rises est un sommet du cinéma artistique, je pense qu'ils n'ont rien compris, ou qu'ils ne savent pas quelles conneries ils racontent.»

Vrai que Hollywood a tendance à recourir aux films de superhéros comme un naufragé en panique se raccroche à sa bouée de sauvetage. Ils sont tellement nombreux qu'ils en viennent à se ressembler tous. Et ne sont évidemment pas d'égale qualité. Voilà pourquoi la trilogie de Christopher Nolan se distingue avantageusement des autres. Le réalisateur de Memento a su insuffler un véritable style au genre. Il a aussi pu faire valoir une vision d'auteur dans des superproductions luxueuses destinées à attirer les foules partout sur la planète. The Dark Knight, le deuxième volet de la trilogie, est sans contredit l'épisode le plus réussi sur le plan artistique. Cela dit, David Cronenberg a parfaitement le droit de trouver ces films-là «ennuyants». Mais au-delà du cas Nolan, il y a lieu de s'interroger sur la fascination qu'exercent toutes ces transpositions cinématographiques inspirées des aventures de superhéros dans les bandes dessinées. Et surtout, pourquoi celles-ci déchaînent autant de passions, même auprès de gens majeurs et vaccinés? Why So Serious? a demandé le Joker lui-même. En attendant de mûrir la réflexion, sachez que The Avengers 2 prendra l'affiche le 1er mai... 2015! C'est déjà officiel.