La dame de béton peut non seulement rebondir, il semble aussi qu'elle puisse se maintenir en altitude, comme le démontre un nouveau sondage favorable au Parti québécois.

Depuis décembre, le PQ a presque doublé ses appuis, passant de 18% à 34%, avec un fort soutien de 41% dans l'électorat francophone, clé de voûte de toute élection au Québec.

On comprend mieux devant de tels chiffres pourquoi Mme Marois réclame haut et fort des élections au plus vite, elle qui doit commencer à craindre de voir son parti monter trop haut trop tôt.

Que cette remontée soit durable ou non, elle constitue néanmoins un miracle, un genre de résurrection pour le PQ, qui semblait destiné à l'abattoir électoral il y a à peine trois mois.

Comment expliquer une telle performance?

La dégringolade de la Coalition avenir Québec, qui est passée de 39% à 24% depuis décembre et la stagnation du Parti libéral, toujours sous la barre des 20% chez les francophones, ne peuvent que favoriser le Parti québécois, mais la théorie des vases communicants ne dit pas tout. Et elle ne rend pas justice aux bons coups de Pauline Marois depuis quelques semaines.

Plusieurs facteurs expliquent la remontée du PQ, mais son positionnement sur les enjeux chauds de l'heure est certainement en haut de la liste.

On parle (en fait, on reparle) beaucoup de langue et d'identité au Québec ces jours-ci et le PQ est sur le devant de la scène sur ces deux dossiers. Contrairement au PQ d'André Boisclair, en 2007, qui s'était fait damer le pion par l'ADQ de Mario Dumont sur les questions identitaires, le PQ de Pauline Marois est à l'avant de la parade alors que François Legault est à la remorque. Ce n'est pas toujours subtil, comme on l'a vu avec l'«affaire» des abattoirs halal, mais ça semble fonctionner.

Le mécontentement de la population envers les gouvernements de Jean Charest et de Stephen Harper sert aussi la cause du PQ. Mme Marois a été la première à attaquer le gouvernement fédéral, obligeant le chef de la CAQ à sauter dans l'arène, cette semaine, en présentant à Ottawa une faible demande pour le financement de la santé.

Ce nouveau sondage confirme par ailleurs l'essoufflement de la CAQ, qui a perdu son élan et qui n'a pas su prendre son rythme, elle qui menait largement (plus de 45% chez les francophones) il y a une douzaine de semaines.

Les malheurs de François Legault s'expliquent, notamment, par les tiraillements après l'arrivée du transfuge François Rebello, mais peut-être davantage par la faiblesse du recrutement. Ce parti qui disait avoir l'embarras du choix depuis des mois n'a pas encore présenté l'équipe promise et attendue.

Depuis, le discours négatif de M.Legault (le Québec n'a rien fait qui vaille depuis 30 ans) et ses promesses de chambardement dans les structures scolaires et médicales ont peut-être refroidi certains électeurs prêts à jeter un oeil à la CAQ.

M. Legault est souvent perçu et décrit comme un comptable. Il devra aussi devenir vendeur puisqu'une majorité de Québécois disent ne pas en savoir assez sur son programme.

L'espoir de François Legault, c'est la très haute volatilité de l'électorat (60% des électeurs disent qu'ils pourraient changer d'idée d'ici aux élections) et le fait que son parti soit le deuxième choix de 20% d'électeurs, dont une majorité de péquistes.

C'est assez mince pour François Legault, mais comme la CAQ est encore deuxième chez les francophones à 29%, c'est encore jouable.

De toute façon, il aura vraisemblablement du temps puisque Jean Charest ne trouvera rien dans ce sondage pour l'inciter à lancer les dés ce printemps. Avec 19% d'appuis au sein de la majorité francophone, un taux d'insatisfaction collé à 70% et 9 ans d'usure du pouvoir, Jean Charest serait suicidaire de se lancer en campagne cette saison.

Sans oublier les dizaines de milliers d'étudiants mobilisés (et de mauvaise humeur) qui le suivraient pas à pas pendant les 35 jours de campagne...