Les réseaux sociaux constituent un porte-voix extraordinaire pour les artistes, qui peuvent parler directement à leur public. C'est aussi un cadeau empoisonné quand on y dévoile trop sa vie privée et que vient le temps d'annoncer une séparation. Où tracer la ligne? Se censurer ou s'assumer?

«J'utilise mon grand bon sens, lance Sarah-Jeanne Labrosse, interrompue en plein tournage de la série Le chalet. On sait que les photos mises sur Instagram sont libres de droits.»

L'actrice en était moins consciente au départ. Quand des photos de son amoureux se sont retrouvées dans des magazines, la jeune femme de 25 ans a changé ses pratiques sur Instagram, où elle compte plus de 180 000 abonnés.

Par rapport à d'autres artistes (Coeur de pirate, Marie Mai, Marilou), Sarah-Jeanne Labrosse met peu en scène sa vie privée sur les réseaux sociaux et elle n'y fait pas de grandes annonces. Elle met des photos de tournage, de mode, et de décoration. «On a accès à mes goûts, à mes intérêts et à mes états, mais pas plus que ça.»

L'actrice vue dans Les pays d'en haut et nouvellement porte-parole pour Tel-jeunes exerce un plein contrôle sur ses comptes. 

«Personne n'a mon mot de passe. Je donne ce que je veux, mais je mets le moins d'indicateurs possible à savoir où je suis et quand.»

Sarah-Jeanne Labrosse fait parfois l'éloge de produits locaux qu'elle achète, mais elle ne s'adonne pas à des pratiques commerciales. Elle ne s'empêche néanmoins pas de faire ce qui lui plaît, dont participer à l'initiative 365 jours de look du magazine Loulou.

Il est impossible de lui envoyer un message sur Facebook. Sur Instagram, elle lit les commentaires, mais elle ne réagit pas. «Je ne veux pas y mettre mes opinions.»

Pour une actrice, c'est une façon d'alimenter le mystère. Et pour une personnalité publique, c'est une façon sage de gérer son image.

Récemment, des artistes actifs sur les réseaux sociaux ont déploré que le contenu de leurs publications soit repris par les médias traditionnels. Stéphanie Boulay a dit détester quand une photo est relayée simplement pour stimuler des clics. Sa soeur Mélanie a mis en ligne une photo d'elle avec son nouveau copain, Guillaume Wagner, mais elle n'a pas aimé que la nouvelle de leur union soit dévoilée par la suite.

Quant à Coeur de pirate, elle a dénoncé récemment au collègue Marc Cassivi les articles qui traitent essentiellement des photos de sa fille qu'elle met sur Instagram. «Jusqu'à tout récemment, je pouvais poster toutes sortes de niaiseries sur les réseaux sociaux et c'était sans conséquence. Les médias québécois s'en foutaient. Mais maintenant, j'ai l'impression que je ne peux plus rien faire.»

«Propre à chaque artiste»

À quel point un artiste doit-il dévoiler sa vie privée sur les réseaux sociaux?

«C'est tellement propre à chaque artiste», répond Sylvie Savard, attachée de presse depuis des années pour Annexe Communications, qui représente notamment Louis-José Houde, Stéphane Rousseau et Maxim Martin.

La gestion des réseaux sociaux relève du cas par cas, opine Junior Bombardier, qui travaille depuis longtemps avec Marie Mai, le couple Jean-François Breau et Marie-Ève Janvier ainsi que Brigitte Boisjoli. 

«Le meilleur conseil à donner aux artistes est de rester fidèles à leur personnalité. Tous ont envie d'utiliser les réseaux sociaux dans le ton et avec la manière qui leur conviennent.»

Comme Sarah-Jeanne Labrosse, Brigitte Boisjoli s'expose peu sur les réseaux sociaux, bien qu'elle les utilise activement. «Marie-Ève et Jean-François, c'est dans leur tempérament de parler aux gens à l'épicerie», souligne Junior Bombardier.

Quant à Marie Mai, rien ne peut être laissé au hasard. Quand la chanteuse a dévoilé sa grossesse, elle en a préparé l'annonce avec son attaché de presse. «Marie Mai est très près du public et tout ce qu'elle fait prend de l'ampleur, donc il faut absolument y réfléchir et bien le gérer, dit Junior Bombardier. Mais Marie Mai est instinctive et elle a de bons réflexes», ajoute-t-il.

Contrôler le message

Les réseaux sociaux sont formidables pour «contrôler le message», souligne Sylvie Savard. Une vedette peut annoncer sa séparation en disant qu'elle ne commentera pas la situation davantage. «Avant, quand on voulait annoncer une nouvelle, il fallait envoyer un communiqué aux médias.»

Les réseaux sociaux ont construit «une proximité entre les gens connus et leur public». Un public qui les aime toutefois sans compromis ou presque, contrairement aux consommateurs d'un média.

«Avant, pour parler à un artiste, il fallait lui écrire une lettre. Ensuite, les sites internet ont permis d'envoyer un courriel. Mais avec Facebook et les réseaux sociaux, la communication est directe. On dirait qu'à chaque décennie, cela se rapproche. Bientôt, les fans vont pouvoir s'asseoir dans le salon des artistes», blague Sylvie Savard.

Certains artistes ne veulent pas s'occuper des réseaux sociaux («même si ça paraît quand quelqu'un le fait à leur place», constate Sylvie Savard), d'autres préfèrent les alimenter eux-mêmes. Chose certaine, ils sont devenus incontournables à des fins commerciales. Surtout Facebook, pour annoncer des ventes de billets, par exemple.

S'assumer et éviter les gaffes

Selon Sylvie Savard, «ce qui se passe sur les réseaux sociaux doit rester sur les réseaux sociaux» pour éviter que les controverses éclatent dans les médias traditionnels. «Il faut faire attention: ce qu'on y met en ligne est public.»

«Les réseaux sociaux sont des amplificateurs d'émotions», note-t-elle.

Selon l'attachée de presse d'expérience, l'artiste doit assumer ses propos et les photos qu'il met en ligne. Et pour éviter les gaffes, il n'a qu'à les utiliser avant tout de façon professionnelle. «Il faut calculer son implication», dit Sylvie Savard. Publier des photos anecdotiques de tournée est moins compromettant que de commenter l'actualité politique ou de parler d'un chagrin d'amour.

«Les réseaux sociaux ont tellement pris d'ampleur, il faut y réfléchir à deux fois avant de mettre une publication, renchérit Junior Bombardier. C'est important de s'entourer d'une équipe qui a du recul et une stratégie globale.»

Junior Bombarbier rappelle que le pire ennemi des réseaux sociaux est «l'impulsion».

L'attaché de presse d'expérience travaille pour la boîte Roy & Turner, qui vient justement d'engager une stratège en réseaux sociaux. «C'est un besoin essentiel. Les équipes des artistes manquent de temps et de ressources. Cela nous permet de réinventer des stratégies. Il y a une grande source de données là-dedans et des partenariats avec des médias traditionnels.»

Quand un artiste comme Alex Nevsky annonce sa participation à un talk-show tel En mode Salvail, cela profite aux cotes d'écoute de l'émission.

De plus en plus, les recherchistes, journalistes et producteurs se fient par ailleurs aux nombres d'abonnés des vedettes sur les réseaux sociaux pour évaluer leur cote de popularité.

C'est pourquoi des personnalités publiques sont tentées de dévoiler davantage de pans de leur vie privée. «Il y a une pression entre les artistes par rapport à leur nombre d'abonnés. Ils veulent être performants», observe Junior Bombardier.