Ces jours-ci, on peut voir à l'oeuvre l'un des premiers collectifs de cirque contemporain de Hongrie. Un pays qui a une longue tradition de cirque traditionnel - plusieurs de nos clowns québécois ont d'ailleurs été formés à la fameuse École de cirque de Budapest dans les années 60.

L'émergence de cette troupe n'a rien de banal. Recirquel, comme plusieurs nouvelles compagnies européennes et russes, rompt en effet avec cette tradition, ouvrant de nouveaux chemins artistiques. Avec toute la pression qui vient avec.

Le collectif fondé en 2012 est dirigé par le jeune chorégraphe Bence Vagi. Night Circus est son premier spectacle (trois autres ont suivi!). Un spectacle qui mêle les genres sans gêne, dans une formule cabaret à la frontière entre l'ancien et le nouveau, le classicisme et le modernisme.

Qui dit cabaret dit succession de numéros, ponctués par l'intervention d'un(e) maître de piste. C'est ce que fait Recirquel avec passablement de talent et d'originalité.

Il reste qu'un numéro de trapèze ou de sangles, même parfaitement exécuté, n'a de portée que lorsqu'il s'inscrit dans une dramaturgie.

Vagi a créé quelques jolis tableaux sur le thème de «l'envie de voler» - on pense à ce très beau numéro d'équilibre sur cannes à sept dans un clair-obscur où les silhouettes des artistes sont découpées sur un fond de couleur. Mais on perd vite le fil conducteur, et les ambiances éparses ont tôt fait de nous emporter ailleurs.

La musique est l'élément le plus déroutant de Night Circus. Si la présence d'un pianiste sur scène s'avère très payante - il interprète des pièces classiques qui contrastent magnifiquement avec les numéros de cirque contemporain -, la musique enregistrée, où l'on passe du new age à la house, vous fera l'effet d'un coït interrompu.

De bon augure

Cela dit, la troupe se démarque par les numéros qui mêlent acrobaties et humour. Comme dans ce duo réalisé sur des perches reliées par un fil (genre de slackline). Il y a là un joli clin d'oeil à l'art clownesque qui flirte avec le cirque contemporain. On aurait aimé voir la troupe hongroise pousser d'un cran ces parallèles entre le cirque traditionnel et le cirque contemporain, dont elle se réclame.

Le mélange des genres aurait pu prendre un sens plus profond encore et le clown rouge classique aurait pu narguer le trapéziste; le dompteur de lions aurait pu faire du diabolo avec son fouet! Ce ne sont que des exemples, mais il y avait là une occasion en or de s'amuser avec ce passage. Ce que semble faire Recirquel en se retenant.

Dans quelle direction la troupe hongroise est-elle allée dans les trois spectacles qui ont suivi? On l'ignore, mais ce premier spectacle, visuellement intéressant, est tout de même de bon augure et Recirquel, malgré ses choix prudents, s'en sort honorablement.

Reste à raffiner ce langage nouveau pour qu'un numéro de tissu ou de mât chinois - aussi bien exécuté soit-il - parvienne à traduire des émotions, à provoquer, à déranger. Voilà le plus grand défi du cirque contemporain.

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Night Circus de Recirquel. À la TOHU jusqu'au 22 octobre.