Évidemment que Dany Turcotte était encore secoué et brisé, 10 jours après avoir démissionné de son rôle de fou du roi à Tout le monde en parle. Passer 16 ans et demi sur un hot seat, il y a de quoi craquer, surtout quand les trolls te pourrissent la vie à propos de ton orientation sexuelle, de façon gratuite et méchante.

Au rythme de quatre à cinq controverses par année, les nerfs s’usent, le moral dégringole, la confiance s’érode. Et de l’assurance, il en faut pour intervenir en direct, dans la nouvelle formule d’affaires publiques adoptée par Tout le monde en parle depuis le 22 mars 2020.

Dans un studio 42 vidé de son public, les blagues de Dany Turcotte sortaient comme « de la glace ». C’est lui-même qui l’a affirmé dans une entrevue avec Guy A. Lepage, dimanche soir, sur son ancien plateau où il a distribué plus de 1500 cartes en 413 épisodes.

Encore très fragile, fébrile et nerveux, on le comprend, Dany Turcotte passait du rire aux larmes et tentait de contenir ses émotions. C’était peut-être trop tôt pour effectuer une sortie publique. Visiblement, Dany n’en pouvait plus. De tout.

PHOTO FOURNIE PAR ICI RADIO-CANADA TÉLÉ

Dany Turcotte, ex-fou du roi de Tout le monde en parle, était sur le plateau de l’émission en tant qu’invité dimanche soir.

Des commentaires sur les réseaux sociaux, de la vie dans l’œil du public, de la pression des médias et de son rôle clivant de fou du roi qui ne collait plus à ce Tout le monde en parle 2.0. La remarque sur le cellulaire de Mamadi III Fara Camara, une erreur de jugement, a-t-il répété, a été la goutte de trop. « J’étais tanné », a constaté Dany Turcotte.

Puis, il y a eu la publication de ma chronique « Quand le fou du roi cherche sa case », qui a précipité son départ. Dany Turcotte a qualifié mon texte d’assassin, de chronique sans compassion qui a servi de « courroie de transmission des haters ». Le lendemain, il remettait sa lettre de démission.

Oui, le ton était dur, mais la chronique s’appuyait sur un malaise bien réel, qui durait depuis plusieurs mois dans les coulisses de Tout le monde en parle. Les patrons de Radio-Canada voyaient bien que les interventions de Dany Turcotte rataient leur cible depuis un an. Ils ont des yeux et des oreilles comme nous.

Dany Turcotte a d’abord perdu le privilège de remettre ses petites cartes à la rentrée de septembre, la direction jugeant qu’on avait fait le tour du concept. Malgré cet ajustement, quelque chose clochait encore.

Sans montage et avec des sujets sérieux peu propices à la rigolade, Dany Turcotte ne se trouvait plus sur son X. Ça se voyait dans nos salons.

Non, Radio-Canada n’a pas dégommé Dany Turcotte. Quand il a exprimé son désir de partir, les patrons de la grande tour lui ont offert de boucler la saison actuelle, qui finit en mai. Selon mes infos, on a aussi proposé à Dany Turcotte de l’aider à redéfinir son rôle dans la grand-messe du dimanche soir.

Rien à faire, la décision de l’humoriste resterait la même. Et Guy A. Lepage n’a pas tenté de le retenir.

C’est une difficile et courageuse décision de Dany Turcotte d’abandonner son tabouret à Tout le monde en parle. Il a laissé tomber un job ingrat mais payant, qui lui a assuré un revenu stable pendant près de 17 ans.

En télévision, monde de pigistes qui galèrent d’un projet à l’autre, ce type de contrat ne court plus les rues. Combien de grosses productions durent depuis autant de saisons tout en demeurant pertinentes ? Très peu.

Selon des sources bien informées, Dany Turcotte empochait, en fin de parcours, autour de 10 000 $ par épisode de Tout le monde en parle, ce qui situerait son salaire annuel autour de 300 000 $. Le producteur de Tout le monde en parle, Guillaume Lespérance, n’a pas confirmé ces chiffres.

Est-ce une somme scandaleuse ? Non, pas selon les normes du showbiz québécois. Tout le monde en parle est l’une des émissions les plus rentables de Radio-Canada. Hormis les salaires des animateurs, les cachets des employés et les frais de licence hebdomadaires versés au détenteur du format (15 000 $), l’émission ne compte pas d’autres gros frais de production, comparativement à La voix ou à Star Académie, qui coûtent un bras (et une jambe) à mettre en ondes.

Guy A. Lepage a rejoué dimanche l’extrait de 2004 où l’animateur Benoît Dutrizac a dit à Dany Turcotte : « T’as un petit côté fif quand tu te fâches. » Ce type de commentaire homophobe ne passerait plus aujourd’hui. Heureusement, car ces propos déplacés marquent à jamais ceux qui les encaissent.

Dimanche, Dany Turcotte a pleuré en évoquant son coming out forcé par les allusions des invités, qui lui envoyaient ce genre de pointes peu subtiles. « Faire un coming out, ce n’est pas une chose facile à faire. C’est comme sortir de la honte. C’est comme dire… je suis comme ça », a rappelé l’ex-fou du roi.

Dany Turcotte en a plein son casque. Ce n’est pas le temps de lui remettre une petite carte vitriolique.