Gémeaux pour ci, Gémeaux pour ça, il y en a pour tous les gestes de chaque métier, pour toutes les saisons et bientôt peut-être pour toutes les émissions... L'Académie canadienne du cinéma et de la télévision est bien consciente des moqueries dont font l'objet ses prix et a même rencontré des membres pour ouvrir le dialogue sur le sujet. Or, à l'aube du 33e gala, le nombre de catégories a pris de l'expansion, si bien que la pluie de Gémeaux sera encore plus intense cette année.

«Tout le monde chiale contre les Gémeaux, année après année. Je n'apprends rien à personne. [...] Et pour être honnête, avant d'être à l'Union, j'ai beaucoup remis en question les Gémeaux. Je me disais que c'était rendu n'importe quoi», explique Sophie Prégent, présidente de l'Union des artistes (UDA), avant de conclure: «Et finalement, après avoir côtoyé l'Académie de près, j'ai mieux compris.»

Une trentaine de catégories de plus qu'en 2016

En septembre dernier, l'Académie a organisé trois rencontres pour discuter des sources d'irritation entourant son gala. Autour de la table du comité qui réunissait des animateurs et des interprètes, il y avait notamment Mariloup Wolfe, Carole Laure, Jean-René Dufort et Sophie Prégent.

Un des sujets abordés fut le nombre élevé de catégories, chiffre qui augmente chaque année depuis trois ans. En 2016, il y en avait 102. Le chiffre a bondi à 127 en 2017. Et cette année, il y en a 130.

«De prime abord, les Gémeaux sont une façon de reconnaître le travail des producteurs. On rend hommage à la production. C'est ce qu'on nous a expliqué l'année dernière. Oui, il y a des prix d'interprétation et d'écriture, mais parce que ça fait partie de la production», dit la présidente de l'UDA.

«Je comprends que les producteurs veuillent reconnaître tous les corps de métier. Je ferais sûrement la même chose à leur place... Mais lorsqu'on regarde ça de l'extérieur, on se demande où ça commence et où ça finit, ces nominations-là.»

«Lors des groupes de discussion, à la question directe: "Est-ce que nous avons trop de catégories?", presque à l'unanimité, la réponse a été "non"», affirme le président du conseil d'administration de l'Académie, Mario Cecchini, qui était présent aux trois comités (producteurs, artisans et animateurs/interprètes).

Il ajoute: «Tant que la valeur perçue de gagner un Gémeaux est là et est forte, il n'y a pas de raison de diminuer le nombre de catégories.»

Richard Speer, ancien président du conseil d'administration et président des productions Attraction, nuance: «Le nombre de catégories a toujours été un enjeu pour l'Académie. Chaque fois que nous avons consulté les gens, ils trouvaient qu'il y en avait beaucoup. Mais quand vient le temps de couper, personne ne veut voir sa catégorie disparaître», dit-il.

Quatre-vingt-dix-neuf sélections... pour des animations



Uniquement dans les catégories des meilleures animations, il y a 99 citations. Parmi tous ces noms, il y en a tout de même qui reviennent dans quelques catégories, dont Véronique Cloutier (1res fois et Rétroviseur), France Beaudoin (En direct de l'univers et Un homme à la mer) et Christian Bégin (Curieux Bégin et Y'a du monde à messe).

Il y a aussi Chantal Lacroix, qui est citée à deux reprises dans la même catégorie, soit Meilleure animation: téléréalité pour Donnez au suivant et Maigrir pour gagner: le défi du Québec.

Quand même, 99 citations pour des catégories d'animation, ce n'est pas exagéré?

«Vous dites qu'il y a beaucoup de catégories, mais ce que les gens veulent aussi, lorsqu'ils sont membres de l'Académie et qu'ils participent aux Gémeaux, c'est que la compétition soit juste», dit Patrice Lachance, qui entame sa 26année à titre de directrice de l'Académie, section Québec.

Encore plus de catégories?

Les discussions de l'été dernier n'ont finalement pas freiné l'Académie dans le nombre de prix remis. Elle en a ajouté cette année et d'autres pourraient voir le jour dans les prochaines éditions du gala. Richard Speer a notamment dit que des vidéos diffusées sur des plateformes comme Facebook ou Snapchat pourraient être récompensées.

Questionné sur le sujet, Mario Cecchini a réagi positivement: «Ça, c'est intéressant! Pourquoi pas? C'est une production numérique. Demain matin, par exemple, si En audition avec Simon décidait d'être diffusé uniquement sur Facebook ou Snapchat, selon nos réglementations, il serait éligible.» 

«Nous sommes dans l'âge d'or du contenu. Il y a beaucoup de catégories parce qu'il y a beaucoup de productions.»

Pour l'instant, l'Académie ne récompense pas les meilleures publicités: «Mais il y a des gens qui font de belles productions pour leur restaurant et qui l'inscrivent aux Gémeaux. Et vous voyez, nous ne sommes pas tombés dans la publicité, nous ne voulions pas d'émissions de promotion... mais peut-être qu'il va falloir s'y pencher, parce qu'en fait, ils font aussi de la production», ajoute Patrice Lachance.

«La journée où la majorité des membres diront que nous exagérons, nous en reparlerons. Mais nous n'avons pas ressenti du tout, du tout que nous étions là en ce moment», conclut Mario Cecchini.

Photo Olivier PontBriand, Archives La Presse

Des prix Gémeaux seront remis dans 130 catégories cette année, contre 102 en 2016.