Dans le dossier de samedi «Les voix négligées» à propos de la présence des femmes dans nos médias, La Presse citait une recherche commandée en 2016 par Radio-Canada sur la proportion de femmes invitées dans ses émissions. RDI Économie présentait le résultat le plus faible, soit 15%. Dès que la télévision d'État a eu connaissance de ce chiffre, l'équipe a décidé de changer les choses. Entrevue avec l'animateur Gérald Fillion.

Lorsque vous avez appris que vous ne receviez que 15 % de femmes parmi vos invités, vous avez décidé d'augmenter ce nombre. Et depuis, vous calculez chaque semaine la proportion de femmes invitées. Pour la saison 2016-2017 et celle de 2017-2018, la proportion a grimpé à 29 %. Comment y êtes-vous arrivé?

Nous y sommes arrivés parce que nous avons décidé d'avoir un meilleur équilibre entre les hommes et les femmes. Je vous le dis tout de suite, 29 %, ça ne s'appelle pas un équilibre. Je le sais. C'est une démarche en continu. Cela dit, nous avons constaté que lorsque nous ne faisons rien, lorsque nous faisons juste au quotidien nos émissions sans effort en ce sens, nous sommes à 15 % de femmes et 85 % d'hommes. Ça n'a pas de bon sens! On ne peut pas laisser les choses comme ça. Et c'est pour ça que nous nous sommes mis à regarder au-delà de la première, deuxième et troisième couche d'invités que nous voyons et qui apparaissent toujours.

Ça demande plus de travail, si je comprends bien. Est-ce difficile de trouver des femmes expertes?

Les invités qui nous sont proposés sont ceux de l'actualité... Ce sont les PDG, les vice-présidents, les ministres, ceux qui dirigent... et la très grande majorité de ces gens sont des hommes. Donc, il faut fouiller un peu plus, il faut aller plus loin, il faut chercher. Ma collègue à la recherche Louise Brassard fait un travail remarquable pour trouver des femmes. Et je veux souligner un point important: nous n'avons pas diminué le niveau de compétences des invités parce que nous nous intéressons à ce qu'il y ait plus de femmes dans l'émission. Au contraire, je crois que c'est encore plus intéressant d'entendre deux fois plus de voix, de regards et de points de vue féminins à notre émission.

Dans le magazine Trente, qui avait dévoilé les chiffres de l'étude de Radio-Canada de 2016, la journaliste Martine Lanctôt a dit que vous aviez été surpris d'apprendre qu'il n'y avait que 15 % de femmes invitées à votre émission.

J'avais été choqué ! Pas surpris, choqué. Ça m'avait choqué parce que je me disais: «Comment ça, je suis à 15 % et que les autres sont à 20-23-25 %?» Je ne trouvais pas ça acceptable. En même temps, mon 15 % était déjà meilleur que ce que la société économique offre très souvent, entre autres quand on regarde la composition des conseils d'administration. Bien souvent, des conseils d'administration d'entreprises en Bourse québécoises ou canadiennes n'ont même pas de femme. Et que dire des PDG! Quand on regarde les 100 PDG les plus payés au Canada, il y a une femme. Donc même à 15 %, il y avait quelque chose de meilleur que le monde des affaires et économique. Mais nous ne sommes pas là pour n'être que représentatifs de la société. Dans un sens, il faut être meilleurs et aller beaucoup plus loin. Je pense que nous avons cette obligation-là.

Êtes-vous en faveur des quotas ou d'une loi? Ou diriez-vous que RDI Économie est un bon exemple de «quand on veut, on peut»?

Je reste journaliste, donc je n'ai pas le goût de donner mon opinion là-dessus. Je laisse le débat social se faire. Mais chez nous, nous avons décidé de faire un travail au quotidien pour augmenter la place des femmes dans notre émission. Et ce travail-là passe par une recherche intensive. Nous avons décidé que nous prenions le temps de trouver.