Ils sont nombreux, les musiciens à regarder Mozart in the Jungle, la série sur l'univers des orchestres classiques, comme Elaine Douvas, qui à l'instar de l'héroïne, joue du hautbois, au sein de l'orchestre du Metropolitan Opera de New York.

Mozart, dont la quatrième saison est diffusée à partir de jeudi sur OCS City en France, restera comme la série qui a permis à la plateforme vidéo d'Amazon de percer dans la production télévisée, avec deux Golden Globes et deux Emmy Awards à la clef.

Premier hautbois solo du Met depuis 1977, Elaine Douvas a regardé, avec plaisir, les trois premières saisons, prenant ce programme pour ce qu'il est, «une comédie» et pas un documentaire sur les arcanes d'un orchestre symphonique.

«Certaines choses sont exagérées, mais ce sont des détails», dit cette femme de 65 ans. «Il y a beaucoup d'éléments qui sont très bien dépeints.»

Elle cite notamment le stress permanent lié aux levées de fonds auprès de donateurs privés, dont dépend la survie même de l'orchestre, les négociations salariales entre les musiciens et la direction, ou la vie intérieure d'un orchestre, fruit d'un équilibre fragile.

«Vous avez de la camaraderie, mais il y a aussi une bonne dose de concurrence», explique celle qui pratique le patinage artistique à ses heures perdues. «Vous ne pouvez pas vous empêcher d'évaluer le travail de vos collègues en permanence. Et c'est beaucoup de pression pour tout le monde.»

Elaine a un faible pour Betty Cragdale, Premier hautbois du New York Symphony, cette formation imaginaire au centre de la série. Revêche, parfois dure, Betty se révèle, au fil des épisodes, complexe et capable d'empathie.

«Peut-être que je m'identifie un petit peu à elle», glisse-t-elle en riant. Reconnaissance ultime, la vraie hautboïste s'émerveille de la comédienne Debra Monk. «Il a fallu que j'y regarde à deux fois pour savoir si c'était une actrice ou une hautboïste.»

Elle est beaucoup plus critique vis-à-vis de la comédienne Lola Kirke, qui interprète l'héroïne de la série, Hailey Rutledge, également une joueuse de hautbois. Son imitation est «très mauvaise», selon elle.

Des «histoires humaines»

Durant la quatrième saison, Hailey tente de faire le grand saut, de concertiste à chef d'orchestre, un exploit pour une femme.

«Parmi les 150 meilleurs orchestres du monde, seuls quatre sont dirigés par une femme», a souligné Lola Kirke lors d'une récente rencontre avec des journalistes. «C'est très rare.»

Hailey tente ce pari tout en étant désormais en couple avec Rodrigo De Souza, considéré comme l'un des plus grands chefs d'orchestre au monde et interprété par Gael Garcia Bernal. Elle «a peur de ne pas être prise au sérieux et c'est une préoccupation légitime», observe Lola Kirke.

Pendant ce temps, Rodrigo vit, lui, une crise existentielle, professionnelle et personnelle.

«Cette série parle de l'humain, avant tout», a estimé l'acteur britannique Malcolm McDowell, qui interprète l'ancien chef du New York Symphony, lors d'une rencontre avec des journalistes à New York. «Ce sont des histoires humaines très accessibles», qui évoquent «la fragilité, la vulnérabilité et l'émotion».

La série interroge, en permanence, les notions de réussite et d'échec, vécues avec une intensité douloureuse par les musiciens.

Parmi les véritables musiciens, autour d'Elaine Douvas, «ils sont beaucoup à regarder la série», même si certains «ne l'aiment pas parce qu'ils trouvent que c'est exagéré ou pas fidèle à la réalité.»

Au-delà, elle espère qu'elle donnera envie aux profanes. «Ce serait vraiment bien si vous aviez envie d'aller voir un vrai concert après avoir regardé la série.»

Quant à ceux qui seraient attirés par la pratique d'un instrument, elle tient à les mettre en garde: la série, à son goût, ne montre pas assez la somme de travail nécessaire pour réussir dans ce milieu.

«J'imagine que ce n'est pas assez intéressant pour la télévision.»