La figure maternelle a bien changé depuis les premiers feuilletons en noir et blanc. Petit panorama (forcément incomplet) des personnages de mères qui ont marqué le petit écran au Québec.

Maman Plouffe (Amanda Alarie)

La famille Plouffe, 1953-1959

Archétype absolu de la mère dévouée, toujours aux fourneaux et constamment inquiète pour ses enfants, celle à qui on n'a pas le droit de faire de la peine. Un personnage tellement marquant qu'on a longtemps dit aux mères poules «fais pas ta maman Plouffe»!

Fernande Tremblay (Janette Bertrand)

Quelle famille!, 1969-1974

Une mère au foyer compréhensive, qui dirige bien sa famille de cinq enfants de qui elle est à l'écoute, au travers des bouleversements des années 60. Pas mal d'ados des années 70 auraient aimé l'avoir comme mère. Mais les rôles traditionnels de l'épouse et du mari ne sont pas trop ébranlés, disons.

Dominique (Dominique Michel)

Dominique, 1977-1979

L'une des premières mères de famille monoparentale de la télé, Dominique est veuve et doit élever seule ses deux enfants, de façon sévère mais juste, en plus de subvenir à leurs besoins. Sa façon de vivre suscite les critiques de son entourage.

Rose-Anna St-Cyr (Nicole Leblanc)

Le temps d'une paix, 1980-1986

L'histoire a beau se dérouler dans les années 20 à La Malbaie, le personnage de Rose-Anna est le prototype même de la femme forte qui a du caractère. Veuve, mère de trois enfants, elle doit se débrouiller pour gagner sa vie, et elle aime bien se disputer avec Joseph-Arthur (Pierre Dufresne) qui lui fait de l'oeil.

Louise Leblanc (Louise Deschâtelets)

Chambres en ville, 1989-1996

Louise Deschâtelets a très bien incarné les mères de substitution dans les années 80, autant dans Peau de banane que dans Chambres en ville. Elle était la confidente de nombreux jeunes, tout en évitant de se laisser manipuler par eux, et pas mal indépendante (son chum semblait lui taper plus sur les nerfs que ses chambreurs turbulents).

Émilie Bordeleau (Marina Orsini)

Les filles de Caleb, 1990-1991

Dans cette série qui a fracassé tous les records de cotes d'écoute à l'époque, Émilie Bordeleau incarnait un exemple d'ambition, dans la passion de sa vocation d'enseignante. Mais son amour pour Ovila, qui aimait trop se pousser dans le bois, l'a menée à une vie pauvre et décevante. Une erreur que ne fera pas sa fille Blanche (Pascale Bussières), encore plus déterminée que sa mère.

Moman (Serge Thériault)

La petite vie, 1993-1998

Probablement unique au monde, ce personnage de mère joué par un homme (sans qu'on parle ici d'une personne trans), qui représentait la caricature absurde de la mère au foyer, toujours en «jaquette», à cuisiner de la dinde, exaspérée par son mari et ses enfants. Une sorte de mélange entre Maman Plouffe et Mémère Bouchard sur l'acide.

Rita Bougon (Louison Danis)

Les Bougon, c'est aussi ça la vie!, 2004-2006

Fumeuse, buveuse, vulgaire, jamais «arrangée» et toujours partante pour les magouilles, Rita Bougon, en dépit d'un côté rebelle, est un personnage assez traditionnel comme mère, louve protectrice de ses enfants et amoureuse de son mari, qui est en fait le patriarche.

PHOTO FOURNIE PAR TVA

Louise Deschâtelets (Louise Leblanc) dans Chambres en ville.

Sophie Paquin (Suzanne Clément)

Les hauts et les bas de Sophie Paquin, 2006-2009

Cette professionnelle au bord de la crise de nerfs est une mère par accident - et cela, d'un autre gars que son chum quand elle accouche! Elle représente la difficile conciliation travail-famille d'une mère de famille monoparentale dont les amours sont très compliquées, mais qui fonce quand même. Sophie Paquin est le type même de la femme emportée par le tourbillon de la vie sans pour autant se perdre elle-même.

Les femmes de La galère

La galère, 2007-2013

C'est assez inusité - et même un peu trop idyllique - cette idée de quatre femmes en crise existentielle qui décident d'habiter ensemble sous le même toit avec leurs enfants. Mais c'est une ode à l'amitié et à la solidarité féminine, qui nous a donné entre autres le personnage assez mémorable de Claude (Anne Casabonne), très loin d'être la mère idéale.

Marie Lamontagne (Guylaine Tremblay)

Unité 9 (2012-)

Depuis Annie et ses hommes, Guylaine Tremblay a le don d'interpréter des rôles de mères complexes et riches. On ne s'étonne pas qu'elle succède à l'inoubliable Rita Lafontaine dans le rôle de Nana au théâtre. Dans le rôle d'une femme qui a été victime d'inceste dans Unité 9, elle fait le sacrifice ultime pour protéger sa fille et va en prison à sa place.

Nathalie Lapointe (Macha Grenon)

Nouvelle adresse, 2014-2015

Dans cette belle et tragique histoire, une mère divorcée de trois enfants, chroniqueuse dans un journal, apprend que son cancer est incurable et doit se préparer à faire ses adieux. Ce qui est intéressant là-dedans est que le sens de sa vie n'est pas que dans la maternité. Et c'est plutôt elle qui est la source d'inspiration de tout le monde.

PHOTO ARCHIVES RADIO-CANADA

Suzanne Clément (Sophie Paquin) et Éric Bernier (Martin Brodeur) dans Les hauts et les bas de Sophie Paquin.

Toutes ces mères indignes!

Aujourd'hui

L'expression «mère indigne» est devenue une blague prisée (et une websérie inspirée des chroniques de Caroline Allard), qui est tout de même révélatrice. Indigne de quoi, au juste? Des exigences impossibles à atteindre, des clichés et stéréotypes pesants? Qu'elle soit névrosée ou en burn-out (Sylvie Léonard et Sophie Cadieux dans Lâcher prise), fatigante et contrôlante (Guylaine Tremblay dans En tous cas), délurée (Michèle Deslauriers dans Les beaux malaises), atroce (Louise Turcot en mère de Berrof dans 19-2), froide et calculatrice (Marie Tifo dans Cheval-Serpent), irresponsable (Julie Perreault dans L'échappée) ou tout simplement dans le trouble (comme Isabelle Blais dans Faits divers), la figure de la mère aujourd'hui, encore pas mal centrale dans nos séries et téléromans, est résolument imparfaite. Et d'autant plus intéressante.

Photo Marlène Gélineau-Payette, fournie par ICI Radio-Canada Télé

Sylvie Léonard et Sophie Cadieux dans Lâcher prise