La militante et poète innue a fait son entrée à Lietteville dans le rôle d'Eyota Standing Bear, personnage qu'elle considère comme une tribune.

Dans le dernier épisode d'Unité 9 avant le congé des Fêtes, le public a découvert une nouvelle détenue, Eyota Standing Bear. Sa simple apparition, sans qu'elle parle, était crève-coeur: le corps couvert de tatouages violents et de blessures, Natasha Kanapé Fontaine semblait incarner à elle seule la souffrance des femmes autochtones.

Et, d'une certaine façon, c'était le cas. Innue de Pessamit, sur la Côte-Nord, Natasha Kanapé Fontaine est une militante de longue date, qui parcourt le monde pour conscientiser les gens aux droits autochtones et à la cause environnementale. 

Artiste et poète-performeuse, elle est l'auteure de trois recueils, N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures, Manifeste Assi, Bleuets et abricots, ainsi que d'un essai sur le racisme, Kuei, je te salue, écrit à quatre mains avec l'écrivain Deni Ellis Béchard.

Lorsqu'on l'a pressentie pour le rôle l'an dernier, elle était au bout du rouleau. Le militantisme, ça use. «Je pense que j'étais en burn-out, confie-t-elle. Je me demandais vraiment si j'avais le goût de continuer à sensibiliser, éduquer. Ça faisait cinq ans que je me consacrais à temps plein au mouvement Idle No More. C'est drainant.»

Elle est arrivée à l'audition sans se faire d'idée, et même sans trop savoir ce qu'était Unité 9, l'une des séries les plus regardées au Québec.

«J'en avais entendu parler, mais je ne regarde pas la télévision. Une des raisons est que je ne peux m'identifier à aucun personnage présent à la télé. Ce n'est pas pour les autochtones, ça ne représente pas ma façon de vivre et de penser.»

Son audition a fortement impressionné le réalisateur Jean-Philippe Duval et l'auteure Danielle Trottier. Celle-ci nous a dit avoir eu un «coup de foudre» pour Natasha Kanapé Fontaine. 

Si l'artiste innue a accepté le rôle, c'est qu'elle y voit une nouvelle tribune pour la cause des femmes autochtones. «Le tiers des femmes en milieu carcéral sont autochtones, explique-t-elle. D'une certaine façon, Unité 9 n'est pas du tout représentatif, avec un seul personnage! La plupart du temps, ces femmes sont arrêtées parce qu'elles ont fait quelque chose pour se protéger des agresseurs ou des dealers, pour sortir de la rue ou pour la vente de produits illégaux.»

Éduquer le public

Si l'on ajoute à cela le lourd passé des pensionnats, le racisme des autorités (pensons au scandale des femmes agressées par des policiers à Val-d'Or), la surreprésentation des femmes autochtones parmi les personnes assassinées au pays, qui a mené à une commission d'enquête, leur vulnérabilité en milieu urbain, les problèmes de toxicomanie qui en découlent, on a à peine une idée de ce que le personnage d'Eyota Standing Bear a traversé avant d'aboutir à Lietteville.

Et ce personnage, qui évolue dans l'une des séries les plus populaires au Québec, pourrait en faire plus pour la sensibilisation que bien des reportages ou documentaires, selon son interprète.

«Mon personnage, c'est tout ça. J'en ai connu des femmes comme ça, qui étaient dans cet état-là. Ça fait longtemps que je me bats pour qu'on en parle, pour qu'on comprenne quelles sont les bases de cette réalité-là.»

«Mon rôle, c'est un moyen de plus pour moi d'imposer cette éducation au public québécois, poursuit la comédienne. Parce qu'on a le choix de regarder les nouvelles qu'on veut, mais là, je me dis que dans Unité 9, les gens n'auront pas le choix de se confronter à cette réalité et de pouvoir apprendre à humaniser des personnes qui semblent inaptes à recevoir de la compassion.»

Non seulement la comédienne apporte de la diversité à notre écran qui en a bien besoin - les rôles d'autochtones sont très rares -, mais Unité 9 lui a aussi apporté quelque chose. «Ce à quoi je m'attendais le moins est le travail sur moi. Tout de suite après le tournage en octobre, j'ai décidé de ne plus consommer d'alcool. Certaines scènes m'ont rappelé des moments que j'ai vus ou que j'ai vécus. Je sais qu'il y a de l'alcoolisme dans ma famille. Je sais d'où ça vient. J'ai décidé de faire attention à moi. Je sais aussi que depuis des années, les arts, l'écriture, le théâtre m'ont beaucoup transformée. Je pense que je n'ai jamais été aussi en forme et bien dans ma peau. C'est ce que j'ai envie de montrer aux jeunes. À tout le monde, en fait.»

On peut voir Natasha Kanapé Fontaine dans Unité 9, les mardis à 20 h, sur ICI Radio-Canada Télé.

Photo tirée de la page Facebook de l’émission

Natasha Kanapé Fontaine dans le rôle d'Eyota Standing Bear dans Unité 9